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30/11/2018

Merci à Spoïler

 


29/11/2018

A Dakar, la jeunesse est en colère. Une semaine après l’annonce par le premier ministre français, Edouard Philippe, que les étudiants étrangers non européens ne paieront plus 170 mais 2.770 euros pour chaque année de licence. […] Pas cette jeunesse pauvre qui survit de la vente de babioles dans les embouteillages de la ville ; ni celle qui tue le temps sur les trottoirs, en quête d’un menu service à rendre pour trois francs six sous. Non, c’est l’autre jeunesse qui gronde. Celle qui se rêvait en saute-frontières et se projetait déjà sur les bancs d’une université française.

[…] Tous les ans, une bonne vingtaine d’écoles et d’universités de l’Hexagone participent à ce forum pour tenter de convaincre les bons élèves sénégalais que la France vaut mieux que les Etats-Unis, le Canada ou le Japon. La chasse aux cerveaux passe par cette présentation des établissements à l’étranger, car depuis plusieurs décennies les pays s’arrachent les profils les plus prometteurs, un peu partout dans le monde. Ces derniers sont happés dans le maelström des 4,6 millions d’étudiants dits internationaux.

A Dakar, ce vendredi d’automne, les plus cotées des classes préparatoires parisiennes sont bien là. Janson-de-Sailly, Louis-le-Grand, Lakanal, Pierre-Gilles-de-Gennes… Toutes tentent de repérer, parmi les adolescents qui se renseignent, les petits génies susceptibles d’intégrer de prestigieuses grandes écoles. Sur les stands, on ne se vante guère de l’augmentation des frais d’inscription qui concernera aussi les élèves des classes prépa, obligés d’être inscrits en parallèle à l’université.

Les jeunes « sont nombreux à avoir compris que l’Afrique devait rester chez elle », remarque, déçu, un enseignant du lieu. « Ce que Paris oublie, c’est qu’ils vont se tourner vers d’autres pays. Les Etats-Unis ou le Canada offrent bien plus de bourses, et je ne vous parle même pas de la Chine », ajoute le même professeur, qui ne souhaite pas être cité. Si Olivier Sagna, directeur des études et de la coopération au ministère sénégalais de l’enseignement supérieur, ne dit pas combien ils seront demain, il observe qu’aujourd’hui « environ 10.000 étudiants sénégalais sont inscrits dans les universités françaises et 7.500 dans des écoles ».

Sur son petit stand de l’université Paris-VIII, Marie Philémon fait tout pour leur être agréable. La conseillère d’orientation semble partout à la fois, saisissant ici une fiche d’information pour une licence de sociologie […] ” Ils m’ont demandé si cette annonce du premier ministre était bien sûre, si elle serait effective en septembre prochain. Ils m’ont dit leur inquiétude aussi, leur impression qu’on ne veut plus d’eux », souligne la jeune femme. […]

Kettani Zaoui [son nom a été changé] optera, elle, pour le pays qui lui offrira une solution de financement. « Je suis très bonne élève, observe la jeune fille. Mes enseignants veulent m’inscrire à la bourse française d’excellence [une centaine de bourses par an, réservées aux élèves du réseau des établissements français de l’étranger et qui leur assurent le financement de cinq années d’études en France]. Mais je regarde aussi un établissement marocain qui me propose déjà une bourse », murmure-t-elle, un brin gênée de se « vendre » au plus offrant.

De son côté, d’ailleurs, Mary Teuw Niane, le ministre sénégalais de l’enseignement supérieur, ne se dit pas vraiment gêné par la mesure française. « Cela me permet de conforter le label de qualité de l’enseignement sénégalais, “Etudier au Sénégal” », observe-il, pragmatique. Une approche que les futurs étudiants, eux, n’entendent pas de cette oreille.

Le Monde

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