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Constitution de milices

Si le nombre de militants d’ultradroite semble stable en France (les chercheurs et les autorités parlent d’un noyau dur d’un millier de militants soutenus par un ou deux milliers de sympathisants), ils semblent plus déterminés et plus belliqueux depuis les attentats islamistes qui ont débuté en 2015. “On a des structures que l’on peut qualifier de traditionnelles, de la mouvance d’ultradroite comme Génération identitaire, le Bastion social ou des royalistes comme l’Action française, explique Laurent Nuñez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, et ancien directeur général de la Sécurité intérieure (DGSI). Notre inquiétude porte bien évidemment sur ces mouvements mais pas seulement. Car on voit apparaître maintenant un certain nombre de structures qui se constituent sous forme de milices d’auto-défense, en prévision de ce que serait le Grand soir de la menace islamiste sur notre territoire, considérant d’ailleurs que les pouvoirs publics n’en font pas assez pour lutter contre le terrorisme. Cette inquiétude est d’autant plus justifiée que trois réseaux ont été démantelés depuis le début du quinquennat actuel. Ces mouvements peuvent constituer un réel danger.” Laurent Nuñez, à la tête de la DGSI du 22 juin 2017 au 16 octobre 2018, a supervisé dans ce cadre le démantèlement des réseaux OAS et AFO.

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Le terrorisme islamiste mais aussi l’islam en général, une immigration “sauvage” et “non maîtrisée” qui s’incarne dans la figure du migrant, mais aussi le gouvernement accusé de tous les laxismes : telles sont leurs cibles de choix. “Ils se préparent à répondre à une situation qu’ils jugent décadente de conflagration ethnique, et pensent que nous sommes dans un état de guerre civile larvée, constate le politologue Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean Jaurès. Depuis les attentats commis par des islamistes, il y aurait en France selon eux quelque chose de l’ordre de la sécession, de l’occupation et de la guerre intérieure entre la population “de souche” et une population d’origine maghrébine et musulmane. Pour eux, les Musulmans sont une sorte de cinquième colonne qui subvertit la France de l’intérieur. Donc ils désirent se charger du travail que l’État, d’après eux, ne fait pas.”

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D’une façon générale, l’ultradroite française cherche à recruter parmi les anciens des forces régaliennes. “C’est une vieille habitude que d’essayer de recruter parmi les gens qui ont servi dans les corps en uniforme, qui passent pour la partie ‘saine’ de la Nation, rappelle Jean-Yves Camus. Là, est apparue il y a quelques années, une sous-catégorie qui intéresse particulièrement les groupes radicaux : le militaire qui était engagé sur un théâtre d’opérations extérieures qui, revenu de Bosnie, d’Afghanistan et du Sahel, a des préventions voire des comptes à régler avec l’islam en général. Ils sont revenus avec une détestation sinon une haine de cette religion et avec un savoir-faire en matière d’explosifs ou d’armes automatiques.”Selon Laurent Nuñez, aucun soldat, gendarme ou policier en fonction n’a été repéré au sein des groupuscules d’ultradroite, mais il se dit “vigilant”.

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Dans le cas de l’ultradroite, cela se double d’entraînements paramilitaires voire de la constitution “d’ilots blancs”  réservés aux “Français de souche”. “Ils achètent des terres, un corps de ferme qu’ils équipent de façon à ce qu’elle soit indépendante et autonome avec des panneaux solaires, des éoliennes, des pompes pour l’eau de source, décrit Stéphane François, chercheur au laboratoire Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL) du CNRS. Ils constituent des réserves de nourriture, de préférence des conserves qui se gardent très longtemps. Il y a des jardins, des animaux. Ça c’est pour le côté gentil car il y a aussi achat d’armes. Le but est de devenir autonome pour créer cet îlot. On est quasiment dans un univers à la Mad Max.”

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Ces militants qui se voient comme des “croisés” d’un Occident menacé par la “submersion migratoire” et par l’islam ont des références intellectuelles très marquées. Le magazine Réfléchir et agir diffuse 5 000 exemplaires par numéro. La Nouvelle revue d’Histoire de Dominique Venner reste encore très lue, comme les penseurs Philippe Vardon ou Guillaume Faye. Les militants d’ultradroite ne dédaignent pas non plus des auteurs plus connus du grand public comme Eric Zemmour, Laurent Obertone ou Renaud Camus, le théoricien du “grand remplacement”. Leurs héros politiques se trouvent à l’étranger via certains dirigeants considérés comme les meilleurs résistants à l’islamisme : Bachar al-Assad, Vladimir Poutine ou Viktor Orban.

Ces militants qui se voient comme des “croisés” d’un Occident menacé par la “submersion migratoire” et par l’islam ont des références intellectuelles très marquées. Le magazine Réfléchir et agir diffuse 5 000 exemplaires par numéro. La Nouvelle revue d’Histoire de Dominique Venner reste encore très lue, comme les penseurs Philippe Vardon ou Guillaume Faye. Les militants d’ultradroite ne dédaignent pas non plus des auteurs plus connus du grand public comme Eric Zemmour, Laurent Obertone ou Renaud Camus, le théoricien du “grand remplacement”. Leurs héros politiques se trouvent à l’étranger via certains dirigeants considérés comme les meilleurs résistants à l’islamisme : Bachar al-Assad, Vladimir Poutine ou Viktor Orban.

“Il n’existe pas de Daech d’extrême-droite”

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Ils s’expriment, donc la DGSI peut les suivre.Jean-Yves Camus estime pour sa part qu’il n’y a pas, en France,” de Daech d’extrême droite. On n’a même pas d’OAS version 2018. On a affaire à une mouvance qui n’a pas les mêmes degrés de structurations et de moyens. Mais tous deux pensent qu’il faut rester vigilant et ne pas écarter la piste d’initiatives personnelles et isolées de militants passés par ces réseaux.

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Le directeur général de la DGSI de l’époque, Patrick Calvar, a évoqué en 2016 et 2017, devant la commission d’enquête sur les attentats du 13 novembre, un risque de confrontation entre l’ultradroite et le monde musulman. Cette vision binaire et manichéenne de la France accréditerait la thèse du conflit de civilisations que recherchent les islamistes. “L’optique de la confrontation ethnique généralisée est dans l’horizon des islamistes radicaux, explique Jean-Yves Camus. L’idée est, que des deux côtés, les individus soient sommés de choisir. Vous êtes musulman, vous voyez se développer la détestation de ce que vous êtes donc vous rejoignez vos ‘frères’. Le reste de la population, les Français dits ‘de souche’, verrait l’ensemble de la population culturellement musulmane comme une entité homogène et verrait la nécessité de les expulser ou de passer à des formes d’actions plus violentes.”

France Culture

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