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Un soir récent où elle était seule chez elle avec ses deux chiens, Michelle Obama est descendue dans la cuisine et a «ouvert le frigo»: «J’ai trouvé du pain, raconte-t-elle, j’en ai pris deux tranches que j’ai glissées dans le grille-pain. J’ai ouvert un placard et j’ai sorti une assiette.» Cet épisode historique est raconté dans «Devenir», son livre-événement, sorti le 13 novembre dans le monde entier et en France chez Fayard, meilleure vente sur Amazon, devant le prix Goncourt de Nicolas Mathieu et «Mes recettes healthy» de Thibault Geoffrey.

« Finalement, poursuit Michelle Obama, je ne me suis pas contentée de me faire griller du pain. Je me suis préparé un sandwich au fromage: j’ai mis un gros morceau de cheddar entre mes deux toasts et j’ai placé le tout au micro-ondes.» Cette recette, bien que peu healthy, est le morceau de bravoure du chapitre introductif. Sortie de la Maison Blanche, Michelle Obama doit préparer ses propres sandwichs au cheddar. Selon le «Financial Times», Penguin Random House a signé un contrat d’édition de 60 millions de dollars avec les Obama pour publier leurs deux livres. Celui de Michelle est un phénomène mondial. «Le Monde» en a publié des extraits.

« Devenir » mérite chaque million qu’il a coûté. C’est un livre capital. La presse française a raison de lui donner une telle importance. Le lectorat fait bien de l’acheter en masse. On y apprend tant de choses. Michelle Obama avait des Barbie, et jouait parfois avec les figurines G.I. Joe de son frère Craig. Elle n’invitait pas ses copines chez elle parce qu’elle était «une petite fille maniaque» qui ne voulait pas qu’on «touche à ses poupées». En CE1, la maîtresse de Michelle Obama était méchante et incompétente. Mais celle du CE2 était formidable.

Les parents de Michelle Obama étaient formidables, eux aussi. Ils n’avaient aucun défaut. Parfois, son père emmenait Michelle et Craig manger chez Italian Fiesta. Mais un jour, quelqu’un a rayé la voiture de son père, qui a dû aller la faire repeindre. Le frère de Michelle, Craig, mangeait beaucoup. Peut-être parce qu’il était très grand. On sait si peu de choses sur la vie des conjoints des anciens chefs d’Etat étrangers, alors que c’est primordial pour le lectorat français. (…)

Derrière une apparence feel good, «Devenir» est un livre de politicien. Comme tous les livres de politiciens, il est vide et corseté. Il promet de tout dire alors qu’il ne peut précisément rien dire. Rien ne doit choquer, rien ne doit contredire le marketing électoral.

L’engouement sincère qu’il suscite en France est étrange: Michelle Obama a une fanbase de popstar aux Etats-Unis ; elle est une figure adorée chez les femmes afro-américaines ; mais ce qu’elle raconte, excepté une poignée d’anecdotes privées et dépolitisées sur son mari, est d’un intérêt quasi-nul pour le reste de la planète. Le matraquage médiatique qu’on subit ces jours-ci autour de son livre dit peu sur le livre, et tout sur notre statut de colonie culturelle américaine.

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