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Dans “En prison, paroles de djihadistes”, le psychiatre et docteur en philosophie Guillaume Monod, qui travaille aussi dans une maison d’arrêt en région parisienne, publie plusieurs témoignages de cette “nouvelle catégorie de détenus”, rencontrés en consultation.

C’était il y a un peu plus de trois ans : le 13 novembre 2015, à Paris et Saint-Denis, 130 personnes étaient sauvagement assassinées et plus de 400 blessées par des terroristes membres de Daech. Quelques mois auparavant, en janvier 2015, c’était l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, l’Hyper-Cacher de Vincennes et une policière de Montrouge qui endeuillaient le pays.

Depuis, d’autres attentats meurtriers revendiqués par l’organisation terroriste ont eu lieu en France – Nice, Saint-Etienne du Rouvray…- ou ont heureusement été déjoués. Avec, pour conséquence, l’apparition d’une “nouvelle catégorie de détenus dans les prisons françaises : le djihadiste, soldat de Daech”.

Voilà le sujet du nouvel ouvrage de Guillaume Monod, psychiatre et docteur en philosophie travaillant dans une maison d’arrêt parisienne : dans En prison, paroles de djihadistes (éd Gallimard), il fait témoigner anonymement plusieurs d’entre eux, rencontrés en consultation depuis 2015.

Et avance la thèse selon laquelle le rapport des djihadistes à la religion serait avant tout celui d’un “héroïsme mythologique”, avant d’être politique ou théologique. Par téléphone, l’auteur a répondu aux questions des Inrocks.

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Vous expliquez d’ailleurs dans le livre que, pour mener ces entretiens, il s’agissait de se départir de tout jugement moral…
Quand on est médecin et que l’on travaille en détention, on est nécessairement confronté à des gens qui ont transgressé la loi, et qui même parfois ont commis des actes de meurtres ou de viols qui sont absolument contre la morale, indépendamment d’être contre la loi.

Pour prendre en charge ces détenus, quand on est médecin, on ne peut pas avoir de jugement moral car sinon, on ne peut plus soigner  j’o:père cette suspension de jugement moral pour tous les détenus que je rencontre. Ce qui ne veut pas dire qu’après, je n’ai pas mon avis, et que je ne condamne pas leurs actions. Quand c’est terminé, on peut penser ce que l’on veut.

La thèse centrale de votre essai est d’affirmer que le rapport des djihadistes à la religion est avant tout celui d’un “héroïsme mythologique”, avant d’être politique ou théologique. Qu’est-ce que cela signifie et pourquoi ?
J’en ai certes rencontré quelques-uns qui étaient très pointus en théologie et qui connaissaient extrêmement bien le Coran. Mais beaucoup n’ont aucune connaissance théologique. Certains ne faisaient même pas le ramadan, un certain nombre fumait du cannabis et buvait de l’alcool. Ils ont quelques idées, mais extrêmement vagues. D’autre part, beaucoup n’allaient pas en Syrie pour devenir prédicateurs et revenir en France à des fins d’évangélisation.

Quand je discutais avec eux et leur demandais de me parler de leur projet d’aller en Syrie pour rejoindre l’Etat islamique, et que je leur demandais comment ils pensaient que cela allait être organisé, comment cela allait se passer pour les hôpitaux, l’éducation etc, ils n’en avaient aucune idée.

Ils n’avaient aucune idée de comment on organise un pays. La seule chose qu’ils me disaient, c’était que tout était écrit dans le Coran. Je leur répondais : “Mais dans le Coran, la gestion des hôpitaux n’est pas expliquée.” Ils me disaient que là-bas, ils sauraient – bref, ils évacuaient la question.

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Les Inrocks

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