Fdesouche

Le Parlement syrien a voté en avril une loi dont l’objectif est d’exproprier des millions de Syriens qui ont fui les combats. Le régime est accusé de vouloir empêcher le retour de populations qui lui sont hostiles.

C’est un texte qui suscite un tollé international depuis plusieurs mois. Début avril, Bachar al-Assad, a discrètement promulgué – en pleine offensive de l’armée syrienne dans la Ghouta orientale – la loi n°10, qui prévoit de facto d’exproprier des millions de Syriens, les privant de leur droit au retour.

La loi prévoit que les municipalités ou gouvernorats syriens définissent par décret des zones de “modernisation urbaine” où seront construits des nouveaux projets immobiliers. Dans ces secteurs, tous les habitants qui ne peuvent pas se prévaloir d’un titre de propriété verront leurs logements ou terrains saisis par les autorités, qui pourront les vendre aux enchères. Selon la plateforme Syrbanism, qui se présente comme “un réseau soutenant les résidents syriens opprimés contre les injustices urbaines”, 70 % des Syriens sont démunis de titres de propriété officiels.

Ceux qui peuvent apporter la preuve de leurs propriétés devaient le faire dans un délai de 30 jours après la prise du décret par les collectivités locales. Depuis le 7 novembre et un nouveau vote du Parlement syrien, ils disposent désormais d’une durée d’un an

«L’échéance d’un mois était intenable, étant donné le grand nombre de réfugiés et de déplacés internes en Syrie, qui, loin de chez eux, ne pouvaient pas procéder aux formalités en si peu de temps», explique Fabrice Balanche, maître de conférences à l’université Lyon 2. Selon l’ONU, 5,6 millions de Syrie sont réfugiés hors des frontières, et le pays compte 6,6 millions de déplacés internes. «La loi a été perçue comme une volonté de spolier les réfugiés de leurs terres pour réaliser des opérations d’urbanisme», poursuit le spécialiste de la Syrie.

Le régime syrien a justifié la loi n°10 par une volonté de reconstruction rapide. «>Elle répond surtout à un double objectif, politique et économique, pour le régime, explique Fabrice Balanche. Il s’agit d’empêcher le retour de populations qui lui sont hostiles, les nouvelles zones de développement immobilier concernant surtout des quartiers touchés par des manifestations en 2011. Mais aussi de permettre à des entrepreneurs proches du régime de mettre la main sur des terrains à vil prix, dans un contexte de crise, où l’immobilier offre des retours sur investissement rapides.»

C’est la pression régionale et internationale des alliés du régime syrien qui l’a amené à revoir sa copie. Le ministre des Affaires étrangères libanais, Gebran Bassil, un chrétien proche du président Michel Aoun, et allié au Hezbollah, s’est plaint en mai dans une lettre officielle à son homologue syrien de la loi n°10 qui vise à “entraver le retour de la majorité des réfugiés”. Le pays du Cèdre, qui accueille plus d’un million de “déplacés” syriens, dénonce régulièrement les risques d’ “implantation.”

«Le Hezbollah, qui a la mainmise sur le gouvernement libanais souhaite un retour des réfugiés en Syrie. Il considère qu’ils sont un facteur de déstabilisation pour le Liban. Bachar al-Assad a une dette envers le Hezbollah, l’un de ses principaux alliés militaires dans la reconquête du territoire», affirme Fabrice Balanche. «La Russie a aussi poussé pour une modification de la loi. Elle cherche à tout prix à faire participer les Européens à la reconstruction de la Syrie. Ils ne s’investiront que si un certain nombre de réfugiés rentre en Syrie, soulageant les grands pays d’accueil comme le Liban ou les États européens».

Contrairement aux souhaits européens, la loi n’a pas été supprimée, mais seulement assouplie. […]

France24

Fdesouche sur les réseaux sociaux