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A Fosseux, petit village du Pas-de-Calais, trois fils d’une même famille ont été tués durant la Grande Guerre : le premier en 1914, le second en 1916 et le dernier, la veille de l’armistice, en 1918. Cent ans après, certains s’efforcent de perpétuer leur mémoire…

Sur chaque tombe, elle a déposé une croix du souvenir avec un coquelicot. Régine Verguier soupire : “Je n’ai pas trouvé de bleuets, le symbole des poilus”. Qu’importe, elle a prévu de se recueillir ici, le 11 novembre. Devant ces trois tombes blanches, alignées côte-à-côte, dans le petit cimetière de Fosseux (Pas-de-Calais). C’est là, dans ce village de 140 habitants, que reposent les frères Plée. Tous trois “Morts pour la France” : Ulysse en 1914, Camille en 1916 et Gaston, la veille de l’armistice, en 1918 (…)

La mère de famille habite à l’endroit où sont nés les trois frères (…). Elle y conserve, précieusement, tout ce qu’elle a pu réunir sur les anciens occupants. Des photos sépia, des lettres jaunies, la plaque d’identité militaire qui a permis d’identifier le corps d’Ulysse, des documents récupérés aux archives départementales… Tout est soigneusement archivé à l’intérieur de quatre énormes classeurs.

Elle tourne les pages pour nous présenter la famille Plée. Les parents, Eugénie et Zéphir, petits paysans. Leurs six enfants : deux filles, quatre garçons, ouvriers agricoles ou garçon de ferme. La première guerre mondiale frappe dès 1914. Ulysse, le plus jeune, est tué le premier. Lui qui, en 1911, se vantait dans une carte écrite durant son service militaire – “Tous mes tirs sont bons. Je crois que je vais avoir une permission!” – n’a quasiment pas connu la guerre. Blessé lors des combats de la Marne, le jeune homme meurt à Biarritz, au casino de Bellevue, transformé en hôpital bénévole, le 20 septembre 1914. Moins de deux mois après son incorporation. Il n’a que 25 ans.

Camille, le second fils, est tué deux ans plus tard, le 4 mars 1916, dans un hôpital provisoire de Haute-Marne. Touché par des tirs, il avait été déclaré inapte un mois, en 1915. Une photo nous le montre, la jambe blessée étendue sur une chaise, aux côtés d’une infirmière. Une pause. L’année suivante, il repart sur le front. De nouveau, il est touché. Cette fois, il ne s’en remet pas. “J’espère que les beaux jours reviendront”, écrivait son épouse Zélie, quelques temps auparavant. Elle élèvera seule leur petit garçon.

1,4 million de soldats français ont été tués durant la première guerre mondiale

Le troisième fils, l’aîné, lui est d’abord porté disparu, pendant la bataille de Verdun, à Douaumont. Fait prisonnier par les Allemands. Des lettres sont échangées. “Chers parents, quelques lignes pour vous dire que je suis toujours en bonne santé”, écrit-il en novembre 1916, avant de les remercier pour le colis, le lard et les chaussettes. Mais Gaston meurt en captivité, le 10 novembre 1918, emporté par la maladie. La grippe si l’on en croit sa fiche militaire. Il laisse une veuve et un petit garçon.

(…) Début octobre, une messe a été célébrée pour tous les soldats de la guerre de 1914 à l’église de Fosseux. Le curé a rappelé les chiffres : 8,5 millions d’hommes mobilisés, 1,4 millions de tués – “un sur six n’est pas rentré” -, un million d’invalides, de mutilés à vie ou de défigurés, 600.000 veuves de guerre. 700.000 orphelins… Toutes les familles ont été meurtries. Le monde agricole a payé un lourd tribut. Le village a perdu 16 des siens. Mais ce jeudi-là, à 18h, l’assistance est clairsemée : une quinzaine de personnes, beaucoup de cheveux blancs (…). L’époque où les écoliers assistaient en rang d’oignon aux cérémonies du 11 novembre semble bien loin (…).

Un siècle après, certains jeunes honorent encore ces poilus. Grégoire, le fils de Régine (qui devait naître un 11 novembre!), participe aux reconstitutions. Passionné d’histoire, il est porte-drapeaux lors des cérémonies officielles. Et vient, après avoir suivi des études de notaire, de s’engager dans l’armée : “Le mode de guerre a changé. Mais notre pays est toujours en danger. Je n’ai pas envie, s’il arrive quelque chose, d’avoir été passif.” Lui aussi sera dimanche devant les tombes des trois frères.

lejdd.fr

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