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En septembre 1918, pour la première fois lors de la Grande Guerre, au cours de la bataille du Dobro Polje, en Macédoine, les Français réussissaient à percer le front. Le souvenir de cette victoire oubliée est ravivée avec l’inauguration d’une stèle.

Il y a cent ans, en septembre 1918, la victoire du Dobro Polje, en Macédoine, annoncée par un communiqué militaire, fait les gros titres de la presse hexagonale. L’événement est de taille. Il s’agit de la toute première rupture de front depuis le début de la Grande Guerre. “Cette percée a été fulgurante. Il y a eu un vrai effet de surprise sur ce massif”, résume l’historienne Francine Saint-Ramond, auteur de “La Campagne d’Orient, 1915-1918, Dardanelles-Macédoine”.

Cette offensive menée par l’armée française, alliée aux troupes serbes, est imaginée par le général Franchet d’Espèrey, commandant en chef des armées alliées en Orient. “Il en a pris l’initiative pour soulager le front occidental et retenir les troupes des empires centraux sur ce front. Le général opte pour un plan audacieux. Au lieu de briser les défenses des armées allemandes et bulgares en plaine, il décide d’attaquer à travers la montagne au niveau du Dobro Polje et du Sokol, deux sommets à plus de 1800 mètres d’altitude. “Il savait que la défense du côté bulgare y était faible et que c’était un secteur où on avait également repéré énormément de déserteurs”, précise l’historienne.

Cette bataille va bien au-delà d’une simple conquête de sommets. Elle entraîne dans les jours suivants la déroute complète de l’armée bulgare. Le 29 septembre, une convention d’armistice est signée entre le royaume de Bulgarie et les Alliés. “Les gouvernements français et anglais ont utilisé le front d’Orient, comme un front de diversion et finalement, il a été le point de départ de la victoire. Cela a été le début de la fin”, estime ainsi Francine Saint-Ramond. “Je me bats pour cette reconnaissance. Même les Allemands l’ont reconnu. Dans ses mémoires, le maréchal Hindenburg [chef du Grand État-Major de l’Armée impériale allemande à partir de 1916 et Generalfeldmarschall] a expliqué que ce front avait été l’élément principal de la déstabilisation et de la démoralisation des empires centraux”.

Pourtant, le nom du Dobro Polje ne résonne plus guère dans les mémoires. Il ne fait même plus l’objet de quelques lignes dans les livres d’histoire. “On en parle si peu, car les gouvernements occidentaux et, en particulier la France, ne voulaient pas de victoire en Orient. Il fallait que la victoire ait lieu sur le front occidental, face aux Allemands. Il y avait tout un aspect symbolique”, explique l’historienne.

Malgré ce manque d’intérêt, ces soldats oubliés ont continué à entretenir la mémoire de leurs années passées sur le front. Vingt ans après la bataille du Drobo Polje, en 1938, une délégation de Poilus d’Orient est retournée en Macédoine. Sur les lieux mêmes des affrontements, ils ont inauguré une stèle commémorative, une plaque de bronze représentant un soldat français. Elle avait été réalisée à l’époque par Marcel Canguilhem, dit Cel le Gaucher, un ancien poilu qui avait perdu son bras droit au cours de la bataille. “Il leur a fallu deux jours de marche pour monter là-haut”, raconte Franck Roger, membre de l’association du souvenir du front d’Orient,”Mais cette stèle a disparu très rapidement. Elle a été volée par des récupérateurs de métaux. C’était une tentation pour les paysans pauvres des environs”.

Franck Roger se fait alors une promesse : faire revivre la stèle. À l’occasion du centenaire de la bataille, il parvient à en faire une réplique.

Celle-ci doit être inaugurée le vendredi 14 septembre, cent ans jour pour jour après la victoire. En raison des contraintes géographiques, elle ne sera pas placée en haut du Dobro Polje, mais à une cinquantaine de kilomètres de là, dans le cimetière militaire de Bitola [toujours en Macédoine], qui regroupe les dépouilles de 16 000 soldats de l’armée française. Pour Franck Roger, la boucle est enfin bouclée :«Je fais partie de ceux qui passent le relais de cette mémoire. Peu de personnes de leurs familles sont venus fleurir leurs tombes. Mais, il ne faut pas oublier ces hommes morts loin de chez eux, et qui n’ont jamais revu la France. Cent après, nous serons là».

France24

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