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Pour le sociologue David Jamar, les divisions entre Flamands et Wallons, comme le jeu défensif «à la belge», ont laissé place à un flou sur les origines des joueurs, qui permet à chacun de se sentir plus proche des Diables rouges.

David Jamar est sociologue à l’université de Mons, en Belgique. Il a participé au livre le Football des nations (1) et revient sur le parcours d’une équipe belge très «internationale».

L’engouement de la Belgique pour son équipe nationale est-il récent ?

[…] Tout d’abord, et c’est nouveau, ces footballeurs sont issus des migrations marocaines et congolaises. […] Ce flou participe d’un premier engouement général pour une équipe dont on se sent proche, davantage que pour une équipe représentant la «nation».

Les Diables rouges 2018 représentent-ils un phénomène comparable à celui de l’équipe de France 1998, dans laquelle on voulait voir le symbole d’une «France black-blanc-beur» ?

C’est difficile à dire. Il s’agit d’abord d’une équipe de football. Bien entendu, «Matonge», un quartier congolais historique de Bruxelles, a exulté, lui qui venait de fêter l’inauguration de la première place Patrice-Lumumba [une grande figure de l’indépendance de la république démocratique du Congo, ndlr] en Belgique. C’est aussi le cas de Molenbeek, qui vit cette Coupe du monde sous les hélicoptères de la police fédérale. […]

En France, on cherche souvent dans l’équipe nationale le reflet des enjeux d’immigration et de rapports post-coloniaux. Est-ce le cas en Belgique aussi ?

De fait, l’équipe nationale belge comprend des joueurs d’origine marocaine et congolaise. Et leur réussite pendant ce Mondial permet aux antiracistes issus de ces migrations de retourner le stigmate. Notre secrétaire d’Etat à l’Asile, Theo Francken, doutait précisément, sur Facebook en 2011, de l’apport des «diasporas marocaine, congolaise ou algérienne».Dans une vidéo tournée dans les vestiaires, Michy Batshuayi, d’origine congolaise, se demandait avec humour, après la victoire contre le Japon grâce à Nacer Chadli et Marouane Fellaini, deux Belgo-Marocains : «Qui a dit que le Maroc est éliminé ?» «Aujourd’hui, la Belgique s’est qualifiée grâce à deux kholotos, des mundibu», poursuivait-il dans un langage des quartiers, «arafricain», mi-arabe mi-lingala. Et si le bon symbole pour les mouvements antiracistes et décoloniaux n’était pas finalement celui de ces convergences-là ?

Libération

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