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L’historien Johann Chapoutot décrypte les « fantasmes identitaires » autour du passé gréco-romain.

Johann Chapoutot est professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-Sorbonne. Spécialiste du nazisme, il est notamment l’auteur du livre Le National-socialisme et l’Antiquité (PUF, 2008).

Pour avoir défendu, en 2017, un dessin animé de la BBC qui dépeignait un officier de la légion romaine, habitant l’île britannique, sous les traits d’un homme noir, l’historienne Mary Beard, professeure à Cambridge, a été l’objet d’une campagne infamante sur les réseaux sociaux. Dernièrement, la diffusion d’une série (BBC One/Netflix), « Troie. La chute d’une cité », a suscité de nombreuses critiques : Achille est joué par David Gyasi, un acteur britannique de peau noire. Que vous inspire la vivacité de ces réactions ?

On ne touche pas à l’Antiquité gréco-romaine ! Depuis la Renaissance, au moins, elle est la surface de projection des fantasmes, des désirs et des peurs contemporains. Comme elle ne peut guère se défendre et que, au-delà des spécialistes et des étudiants, la connaissance que le grand public en a se résume à quelques images de péplum, elle est très plastique : conjointement matrice de la démocratie (Athènes), forge des empires (Rome), utopie militaro-homo-érotique (Sparte), etc., elle est un palimpseste qui illustre bien que toute histoire est contemporaine. En l’espèce, elle est le conservatoire supposé d’une identité européenne blanche, bien plus prestigieuse qu’un Moyen Age, qui a ses mérites – Charles Martel, les croisades –, mais qui apparaît comme irréductiblement mal dégrossi. Il est bien plus valorisant de se réclamer d’un Périclès nimbé de lumière que d’un hobereau sale et velu. […]

Le Monde

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