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Pour le journaliste Daniel Schneidermann, les 1 200 Black Blocs présents lors de la manifestation du 1er Mai constituent l’avant-garde de ceux qui ne se reconnaissent plus dans les syndicats. «C’est le mouvement de l’Histoire, sous nos yeux myopes».

Désespoir chez Yann Barthès, au soir du 1er Mai. L’envoyé spécial de l’émission, Paul Larrouturou, se trouve en direct devant les vitrines brisées du McDonald’s du boulevard de l’Hôpital. «La manif avait commencé bon enfant, se plaint l’envoyé spécial. Et tout d’un coup, tout a basculé.» Yann Barthès, désolé : «Les casseurs ont confisqué la manif.» […]

Ce serait une belle histoire, sauf qu’elle est fausse. Il fallait tendre l’oreille aux chiffres de la préfecture de police de Paris. Ainsi se décomposait la manif : en tête, 1 200 cagoulés. Dans la manif syndicale proprement dite, sous les ballons, derrière les banderoles, 15 000 manifestants environ. Et entre les deux, 14 000 autres. Tiens tiens, qui sont donc ces 14 000 ? Le cortège de tête. Kesako, «le cortège de tête ?». Des manifestants, fatigués de piétiner sagement derrière les banderoles syndicales, qui préfèrent bader en liberté, non loin des cagoulés, devant, derrière, autour. En quelques années, depuis la loi travail, les syndicats se sont, en effet, laissés déposséder de la tête de manif. De cortège en cortège, les rangs syndicaux se clairsèment, tandis que s’étoffe le cortège de tête. Si confiscation il y a, elle dure depuis quelques années. […]

Le cortège de tête ne soutient pas, mais ne condamne pas. La fonte des masses syndiquées, et l’inflation du cortège de tête, c’est le mouvement de l’Histoire, sous nos yeux myopes. Comme on disait il y a cinquante ans à propos d’autre chose, nous sommes tous le cortège de tête.

Libération

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