Fdesouche

Longtemps ignorées, les associations représentant les communautés noires s’affirment et commencent à être entendues par les autorités politiques.

D’un bâtiment au crépi fraîchement refait de la rue du Togo, à Berlin, s’envole un concerto de Vivaldi. Les retardataires, escarpins et blouses en wax, s’y engouffrent à petits pas, guidés par la mélopée. Entre les rayons « Auteurs de la diaspora africaine » et « Afrofuturisme » de la bibliothèque flambant neuve de l’organisation Each One Teach One (EOTO) vibrent les violons du String Archestra, un quintet composé de musiciens berlinois issus des minorités ethniques, « traditionnellement écartés de la musique classique à cause de leur origine », selon les mots de sa fondatrice, Daniele G. Daude.

Casser les clichés qui collent à la peau des personnes d’ascendance africaine fait partie des piliers d’EOTO, à qui le ministère allemand de la jeunesse et de la famille vient d’accorder une subvention. […]

Racisme institutionnel

La soirée d’ouverture a un goût de triomphe, après plusieurs années de lobbying acharné auprès des politiques afin d’obtenir une aide financière. « La politique allemande ne s’est jusque-là jamais vraiment intéressée à la diaspora africaine et met peu en avant ses contributions culturelles et politiques dans la société allemande », déplore Karamba Diaby, premier député allemand d’origine africaine – en l’occurrence sénégalaise –, qui soutient le projet depuis sa création. « Si Berlin est une ville internationale, au niveau héritage africain, zéro ! Comme si l’Allemagne oubliait qu’elle avait eu un passé colonial », renchérit Funmi Kogbe, la directrice d’EOTO, une Nigériane installée à Berlin depuis treize ans.

L’attitude de l’Allemagne a contribué, affirment les associations noires, à nourrir un racisme institutionnel. Berlin a de fait été épinglée par les Nations unies, qui dénoncent, dans un rapport publié en 2017, une hausse des discriminations raciales – notamment des contrôles au faciès – envers les communautés d’origine africaine. « Quand vous êtes né ici, que vous ne connaissez que ce pays mais qu’on vous demande, parce que vous êtes visiblement différent, “mais d’où viens-tu vraiment ?”, vous ne pouvez que vous sentir blessé », dénonce Funmi Kogbe.

Joshua Kwesi Aikins anime des ateliers de sensibilisation au racisme au sein de la Black Diaspora School d’EOTO. Depuis qu’elle fréquente cette académie, Cindy Dzifa se dit fière d’être noire : « Grandir dans une société blanche quand on est d’origine africaine, c’est difficile, on fait toujours partie de la minorité. Avec EOTO, je ne me sens plus isolée, j’appartiens à une communauté. »

Du cours d’histoire de l’Afrique à l’atelier coiffure pour cheveux crépus, en passant par des rencontres avec des réalisateurs et des écrivains de la diaspora africaine, EOTO multiplie les angles d’attaque pour forger, dans l’esprit des jeunes Afro-Allemands, une image positive de leur identité.[…]

Le Monde

Fdesouche sur les réseaux sociaux