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Par le biais de la colonisation et de l’idéologie raciste de l’époque, la couleur sombre est devenue un marqueur identitaire péjoratif.

« Je suis une version acceptable de fille noire pour Hollywood, cela doit changer », déclarait avec fracas Zendaya, chanteuse et actrice américaine de 21 ans, lors du festival BeautyCon à New-York ce 22 avril.

L’ancienne vedette de la chaîne Disney, idole des adolescent·e·s, dont les ancêtres viennent aussi bien du continent européen qu’africain, brise un tabou. Dans le monde du glamour et du politiquement correct, les femmes métissées à la peau claire auraient clairement plus d’opportunités que les autres.

Ce débat n’est pas anodin. En France, comme aux États-Unis, des milliers de femmes, et d’hommes sont marqués par ce qu’on nomme le colorisme, une discrimination entre les peaux de couleurs, favorisant les peaux plus pâles.[…]

La peau noire concentre une très importante dose de melanine – le pigment qui donne à la peau, aux yeux et aux cheveux leur couleur. Or, par le biais de la colonisation et de l’idéologie raciste véhiculée à l’époque, la couleur sombre est rapidement devenue un marqueur identitaire péjoratif, associé aux classes socio-économiques et culturelles les plus défavorisées. Cette image a été intériorisée par les différentes populations africaines, et ce, pendant des siècles.

Certains « colonisés » ont donc cherché à imiter la couleur de peau ou les caractéristiques physiques des colons, dans le but d’améliorer leur condition de vie et leur image.

Ce processus d’aliénation – la « négrophobie » envers les autres Noirs et l’espoir de ressembler aux Blancs – a été d’ailleurs décrit et analysé dès 1952 par Franz Fanon dans Peaux noires, masques blancs.

Le court-métrage plusieurs fois primé, « Charcoal » (2017, de l’Haïtienne Francesca Andre) dénonce les ravages du colorisme.
Malgré la dénonciation de ce phénomène, le colorisme reste une réalité, notamment aux États-Unis où avoir conscience de la couleur de sa peau affecte directement l’image et la confiance en soi. Notons par ailleurs que chez la population américaine blanche le contraire est également vrai. Ainsi, après-guerre, a émergé le concept de la « Breck girl », la femme américaine aux cheveux longs, yeux clairs et peau d’albâtre, archétype de la beauté pendant de nombreuses années…[…]

Reprudencia Sonkey, mieux connue sous son nom de scène Dencia, a ainsi fait la promotion auprès de milliers de femmes africaines une gamme de crèmes éclaircissantes appelée Whitenicious.

Dans un objectif marketing, la chanteuse camerounaise a affiché des photos d’elle-même : avant (peau très foncée) et après (peau claire). Succès garanti : en moins d’un mois l’entreprise a enregistré un record de ventes.[…]

Si nos gouvernements veulent aider, alors ils pourraient interdire complètement la vente des produits éclaircissant ou les taxer spécifiquement, en plus de ceux déjà répertoriés en Europe comme dangereux. Le Ghana a ainsi déjà pris quelques mesures mais il est grand temps de les généraliser à l’échelle mondiale, notamment du côté des fabricants.

Il faut par ailleurs développer des campagnes de service public comme celle lancée par des activistes indiennes « Dark is beautiful » et encourager la parole de jeunes stars issues de la pop-culture telles que Zendaya afin de faire enfin changer les mentalités.

Par Ronald Hall, Michigan State University et Neha Mishra, Reva University of Bangalore. En partenariat avec The Conversation.

Nouvel Obs

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