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Que gagnerait Bachar El-Assad à utiliser des armes chimiques ? À quelques heures, semble-t-il, d’une réaction militaire internationale à l’attaque qu’aurait perpétrée Bachar El-Assad dans la Ghouta samedi dernier, la question se pose plus que jamais. Le 7 avril, une attaque chimique contre Douma, dernière poche rebelle de la Ghouta orientale, a fait plusieurs dizaines de morts et plusieurs centaines de blessés. Les images, particulièrement pénibles, ont fait le tour du monde.

(…) Le départ des derniers combattants [de la Ghouta, après les accords avec les combattants de Jaïch Al-islam, le groupe islamiste localement majoritaire] n’était plus qu’une question de temps, selon certains observateurs. Quel intérêt, dans ce cas, pour le gouvernement syrien, d’attirer davantage l’attention de la communauté internationale sur le conflit qui fait rage en Syrie [alors que] justement, répondraient les soutiens du régime syrien, Assad a déjà gagné ?

Sauf que les négociations auraient capoté entre Moscou et les groupes armés de la Ghouta quelques jours auparavant. Alors que Damas exigeait de Jaïch Al-islam qu’il rende les armes ou quitte la ville, le groupe aurait à son tour affirmé vouloir y rester en tant que “force de police locale”, à la fureur du gouvernement syrien. L’attaque du 7 avril aurait alors servi de moyen de persuasion particulièrement convaincant. (…) [Les armes chimiques] font partie d’une guerre psychologique souvent plus destructrice que des frappes aériennes. Elles ont également une connotation bien plus cruelle : elles génèrent des souffrances longues, et une mort assez lente, par asphyxie.

Dotées d’un pouvoir de dissuasion particulièrement puissant, les armes chimiques ont aussi l’“avantage” de causer moins de destructions matérielles que des missiles ou autres barils explosifs, armes quotidiennes de Damas et de ses alliés russes. Elles sont, dans ce même registre, moins chères à produire. Le chlore, par exemple, est couramment utilisé au civil, comme dans le traitement de l’eau. Mais il est également moins foudroyant que le gaz sarin, cent fois plus puissant que le cyanure.

Sur le plan politique également, l’utilisation d’armes chimiques peut se révéler utile. D’après un communiqué publié par l’agence syrienne officielle SANA au lendemain de l’attaque de Douma, soit le dimanche 8 avril, Jaïch Al-islam aurait demandé à négocier avec Damas, et non plus avec Moscou comme ce fut le cas jusque-là. “Toutes les négociations qui ont eu lieu actuellement sont avec l’État syrien exclusivement après que les terroristes de Jaïch Al-islam ont plaidé pour la cessation des opérations militaires lancées contre eux tout au long de la nuit dernière”, d’après l’agence. Selon certaines sources, Bachar El-Assad aurait décidé de s’imposer face à la position russe, laquelle aurait permis une présence islamiste à sa porte. Le président syrien fait, ainsi, acte de présence à sa manière, sur un terrain dominé par ses alliés russes, iraniens et autres, et qui ont permis un tournant dans le conflit, notamment depuis le début de l’intervention russe en Syrie en septembre 2015.

Quant à la communauté internationale, il n’en a que faire. Comme pour narguer ces mêmes pays qui le critiquent avec virulence depuis maintenant sept ans, et dont les “lignes rouges” ne semblent plus représenter grand-chose. Malgré les menaces, le gouvernement syrien s’attend à des frappes – si elles ont lieu – limitées, similaires à celles qui ont visé la base de Chaayrat l’année dernière, en représailles à l’attaque de Khan Cheikhoun. Bachar El-Assad sait pertinemment que le contexte actuel ne permet pas aux Occidentaux d’en faire plus, par peur d’un embrasement généralisé dont personne ne veut.

L’Orient Le Jour

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