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PORTRAIT – «Éternel ardent», le lieutenant-colonel faisait l’admiration de ses frères d’armes pour son engagement absolu.

Parmi les premiers arrivés aux abords du supermarché où Radouane Lakdim a déjà semé la mort au cri d’«Allah akbar!», tuant l’artisan boucher, Christian Medvès, et un client, Hervé Sosna, le lieutenant-colonel s’est mis, comme à son habitude, devant ses hommes. Dans une panique indicible, la dizaine de clients présents a réussi à prendre la fuite par la porte de derrière tandis que quelques personnes se tapissent dans la chambre froide. Le terroriste, lui, retient encore une caissière comme bouclier humain.

De manière quasi instinctive, Arnaud Beltrame, officier adjoint du groupement de gendarmerie de l’Aude, décide de se constituer prisonnier vers 10 h 45 afin de libérer l’otage. Peu banale dans les protocoles d’intervention, cette initiative ne surprend guère son entourage et ses frères d’armes. «Ce qui s’est passé à l’intérieur du Super U, la prise d’otages, cela a dû être intolérable pour lui, assure Thierry Webley, directeur de la sûreté du château de Versailles, qui l’a côtoyé pendant un an, en 2016, à l’École européenne d’intelligence économique. Il était au service des autres. La décision qu’il a prise est extraordinaire. Chapeau. Mais quand on connaissait l’homme, cela n’a rien d’étonnant.»

«En tant que plus haut gradé au contact à ce moment-là, Arnaud n’aurait jamais laissé sa place à personne, confirme Fabien, capitaine qui l’a secondé entre 2009 et 2010 au sein du 1er régiment d’infanterie de la Garde républicaine, en charge de la protection du Palais de l’Élysée. Véritable athlète et expert des techniques de corps à corps, il pensait sûrement pouvoir maîtriser l’assaillant. Chez lui, il n’y avait aucune place à l’improvisation, tout était réfléchi.»

Lors d’un insoutenable huis clos qui va durer près de trois heures, Arnaud Beltrame ne peut passer à l’action, sans cesse sous la menace de Radouane Lakdim. Délirant, celui-ci récite des versets du Coran, évoque la Syrie et exprime des demandes fantaisistes, comme la libération de Salah Abdeslam, ultime rescapé des attaques kamikazes de Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015.

À 14 h 25, l’assaut est aussitôt donné quand trois détonations claquent dans le magasin. Blessé par balles mais aussi à l’arme blanche, Arnaud Beltrame pousse son dernier souffle dans la nuit de vendredi à samedi, à l’hôpital de Carcassonne, où il avait été héliporté dans un état désespéré. Dimanche, son autopsie a mis en évidence «des lésions balistiques non létales» et révélé «une plaie gravissime de la trachée et du larynx par arme blanche», a indiqué le parquet de Paris.

Programmé tout au long de sa carrière pour avoir un destin hors norme, Arnaud Beltrame affichait une trajectoire placée sous le signe de l’excellence, d’un engagement absolu et, disons-le, d’une grandeur d’âme où s’entremêlaient dévouement et camaraderie. Né le 18 avril 1973 à Étampes, cet homme marié et sans enfant a servi le drapeau pendant plus de 22 ans. Admis sur concours à l’école militaire interarmes de Coëtquidan (Morbihan) en 1999, il sort major de la promotion «campagne d’Italie» en 2001. Ce fort en thème fait preuve d’appréciations particulièrement élogieuses au terme d’une scolarité brillante: «Courageux, il se bat jusqu’au bout et n’abandonne jamais.» Ses cadres soulignent son «esprit résolument offensif face à l’adversité». Le lieutenant Beltrame choisit alors de servir en gendarmerie, où il termine, une fois de plus, major de la promotion «capitaine Gauvenet» de l’école de Melun, en 2002.

Thierry Aldebert, directeur exécutif de l’Olympique de Marseille, ancien lieutenant-colonel au GIGN (2002-2012) et camarade de promotion se souvient: «Arnaud était un éternel ardent, toujours positif, toujours à aider les autres dans les moments difficiles. Pendant les trois mois de stage probatoire pour éprouver notre physique et notre caractère, il restait enthousiaste malgré les privations de sommeil, de nourriture. Nous dormions dans le même trou, à la belle étoile. Après nous avoir réveillés dans la nuit pour une séance de quatre heures de sports de combat, il était le premier à sauter comme un cabri dans une eau à 7 degrés pour se rincer. Arnaud, c’était vraiment la tête et les jambes.»

Celui qui avait alors choisi comme nom de code «Bruno», en référence à l’indicatif radio du général Bigeard qu’il admirait tant, enchaîne les stages «para» et de maniement d’explosifs, de plongée, de montagne, de protection rapprochée ou encore de conduite rapide. La devise du GIGN: «S’engager pour la vie» devient son credo.

(…) Le Figaro

Merci à valdorf

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