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Ils s’appellent Tony, Betty, Manu, Yasmine, Sylvie, Mélissa, Mourad, Corinne, Jeff. La plupart du temps, vous ne les remarquez pas… sauf quand vous en avez besoin. Pourtant ils sont là. Travaillant au contact de la rue, de la violence, de la misère sociale et de la mort. Voici le vrai visage des 149.000 flics de France. Extrait de “Paroles de flics” de Jean-Marie Godard aux éditions Fayard (2/2).

Il est d’une autre génération que Yasmine. Né en France de parents algériens, il a grandi dans une cité de la banlieue parisienne. Il a 25 ans. Le 7 janvier 2015, c’est l’attentat de Charlie Hebdo. Ahmed Merabet, policier de confession musulmane, est froidement exécuté sur le trottoir du boulevard Richard-Lenoir à Paris par les frères Kouachi, alors qu’il leur demande de le laisser en vie.

Français d’origine algérienne, de confession musulmane, Mourad, lui, entre à l’école de police quelques mois plus tard. Une résonance terrible qui terrifie sa mère. « Elle n’était vraiment pas heureuse. Et puis elle s’y est faite », raconte-t-il aujourd’hui. Mais ce n’est pas ce meurtre qui l’a motivé. Et il dit n’avoir eu aucune hésitation, aucune peur après cette exécution. Ce qui l’a motivé, c’est son enfance. « J’ai grandi dans un quartier populaire et je voyais des jeunes comme moi foutre la merde et je me disais : “À  cause d’eux, on a une sale image.” Donc, je voulais casser cette image.»

Et puis, durant son enfance, les échos de l’Algérie qui parviennent en France par des membres de sa famille, alors que le pays se débat encore à l’époque avec le Front islamique du salut (FIS) et le Groupe islamique armé (GIA). « Nous, on sait ce que c’est. Ce n’est pas l’islam, c’est une secte. Ici comme là-bas, faut pas se laisser avoir par ces mecs-là », martèle-t-il. La religion musulmane, il la pratique « de manière modérée, pas dans le prosélytisme », et assure qu’il a des collègues femmes issues de l’immigration maghrébine qui sont entrées dans la police « pour échapper à une tradition débile, à une espèce d’ordre social qui voudrait que la femme reste à la maison. C’est une émancipation ».

Comme Yasmine, il parle de « blagues un peu déplacées » de la part de certains collègues, « mais faut pas non plus tout prendre au pied de la lettre ». Et d’un « vrai racisme », très rare, auquel il n’a été confronté qu’une seule fois, « un collègue qui a trouvé malin de dire que pour lui un Arabe dans la police, c’était une anomalie ».

Comme Yasmine, il décrit l’entre-deux-mondes dans lequel il vit. Mais de manière plus brutale dans certaines cités de la région parisienne. D’abord, « certains jeunes collègues, venus de province, qui répondent sur le même ton que celui des gars d’en face qui les agressent. Et ça peut très vite partir. Moi, j’essaie de calmer le jeu parce que j’ai les “codes”. Mais j’ai ma propre fermeté ». Parfois, Mourad se fait traiter de « traître » par les jeunes qu’il trouve en face de lui. « Et dans ce cas-là je leur réponds sur un ton calme, parfois en arabe : “Quoi, traître ? T’as vu comment tu parles aux policiers ? Va au bled, en Algérie ou au Maroc, parler comme ça aux flics dans la rue ! Mais là-bas le mec va te coller une trempe, t’embarquer et finir le boulot au commissariat. Et là-bas, y’aura pas de vidéo, pas d’IGPN, pas d’enquête.” »

Yasmine, 40 ans, Mourad, 24 ans. Nés en France, l’une de parents tunisiens, l’autre de parents algériens. L’une officiant en province, l’autre à Paris. Un homme, une femme, deux générations différentes et des parcours qui le sont aussi. Mais le même amour, la même défense intransigeante de la France et de ses valeurs.

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