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Depuis quatre ans, l’élite de l’armée française chasse sans merci les terroristes dans le Sahel. Une opération baptisée «Sabre», tellement discrète que son appellation même était classifiée jusqu’à ce jour. Pour la première fois, les envoyés spéciaux du Figaro Magazine ont pu accompagner une patrouille.

Hélices lancées à pleine puissance, le Twin Otter survole le champ de bataille. Au maximum de sa vitesse. Sous le train, ses roues flirtent dangereusement avec la cime des acacias quand le saumon des ailes semble vouloir trancher les flancs des falaises abruptes du pays dogon. C’est très bas et très rapide. Pour déjouer d’éventuels tirs ennemis. Dans le cockpit, les instruments protestent. «Warning… Terrain… Terrain…» En boucle, la voix métallique de l’ordinateur de bord répète ce message d’alerte, arrachant un sourire au pilote. Confiant dans sa manœuvre, il ne daigne pas accorder un regard à l’altimètre. Les «as» du Poitou en ont vu d’autres.

L’escadron de transport des opérations spéciales sait déposer, puis récupérer des commandos par tous les temps, quelles que soient les conditions, à la minute près, au milieu de nulle part, une simple bande de terre durcie en guise de piste pour leurs avions de brousse. Un atout essentiel dans cette guerre que mènent les forces spéciales françaises contre les terroristes cachés dans le Sahel: l’opération Sabre, menée depuis quatre ans dans la plus grande discrétion. Une traque implacable sur un terrain hors norme, qui court de la Mauritanie jusqu’au Tchad. La surface de l’Europe. Des paysages grandioses mais rudes, alternance de massifs rocailleux et de dunes sablonneuses, abrasifs pour les machines autant que pour les hommes soumis à un climat extrême.(…)

Pour l’heure, les commandos se préparent. Après l’infiltration en avion jusqu’à une base opérationnelle avancée permanente, installée au nord du fleuve Niger, la petite équipe saute à bord d’un hélicoptère pour son insertion dans le désert. Vol en rase-mottes vers les coordonnées ultra-secrètes que le chef de patrouille, le capitaine Alexis, a transmises aux équipages grâce à une radio cryptée. Un vague point sur une carte d’apparence uniforme. Le lieu de rendez-vous. Sous les pales des Caracal, encore des dunes. Un troupeau de chèvres qui s’égaille. Encore des acacias. Un dromadaire surpris, pattes entravées, au pâturage. Et, montant d’un talweg semblable aux autres, un panache de fumée verte. L’équipe de recherche a percuté une grenade fumigène pour marquer la zone de poser. Dissimulée dans la végétation, la patrouille sécurise cet atterrissage périlleux dans un nuage épais de sable rouge soulevé par les rotors. En quelques minutes seulement, renforts, munitions et ravitaillement sont chargés à bord des véhicules tout-terrain. Les hélicoptères redécollent, et les opérateurs se fondent à nouveau dans le désert.(….)

«Nous opérons en zone ennemie et donc, quand on arrive sur un bivouac comme celui-là, on met en place un système de surveillance à 360 degrés avec des tours de garde, pour être en mesure de réagir si des ennemis se dévoilaient dans un rayon d’action à notre portée. Dans ce cas, on lèverait le dispositif pour engager une poursuite et tenter de les arrêter ou de les entraver.» Tous les opérateurs dorment, sur les postes de combat désignés par le capitaine Alexis, chaussures aux pieds et armes à portée de main. Un très léger bourdonnement indique que les sentinelles ont allumé leurs caméras thermiques, des appareils capables de déceler la chaleur d’un corps ou d’un moteur à plusieurs centaines de mètres à la ronde. Il est hors de question de se laisser surprendre. (….)

Avec leurs lunettes de vision nocturne ou leurs caméras thermiques, rien ne leur échappe. Tout est vu, noté et transmis sur un réseau ultrasécurisé pour alimenter les analystes de la chaîne de renseignement. Car, même au beau milieu du désert, jamais les opérateurs ne sont abandonnés à eux-mêmes. Sur les arceaux des véhicules de patrouille spéciale, une antenne satellitaire, fixée entre les deux mitrailleuses et les réservoirs supplémentaires, autorise une liaison constante avec l’état-major du COS. Véritable fil d’Ariane, cet outil de communication est indispensable, que ce soit pour obtenir le feu vert des plus hautes autorités si une cible d’importance stratégique venait à se découvrir, ou plus simplement pour être ravitaillé et poursuivre la mission. Alors que l’aube pointe, que les ânes braient et que le capitaine Alexis a terminé le compte rendu envoyé à ses chefs, un léger vrombissement monte du sud.

Un Transall survole le bivouac et la corolle blanche d’un parachute fleurit dans le ciel. Le bidon en plastique bleu, renforcé par des feuilles de carton, s’écrase dans le sable à moins de 20 mètres du campement. Toute la manœuvre a été guidée par satellite. Avec une précision incroyable et une jolie surprise. Au milieu des packs d’eau minérale et des boîtes de rations, un assortiment bien chaud de viennoiseries. Croissants et pains aux raisins. Attention fort sympathique des aviateurs du Poitou aux corsaires du Sahel, qui reprennent leur traque aux terroristes avec un moral inoxydable.

Le Figaro

Merci à valdorf

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