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Victoire des nationalistes en Corse, référendum controversé en Catalogne, élection de Donald Trump, Brexit, phénomène Johnny : pour le géographe, tous ces événements témoignent des fractures qui traversent les sociétés modernes.

-LE FIGARO. – Qu’est-ce qui prime dans le ressort du vote: l’insécurité sociale ou l’insécurité culturelle?

Christophe GUILLUY : La condition de ce vote, comme de tous les votes populistes, est la réunion de l’insécurité sociale et culturelle. Les électeurs de Fillon, qui se sont majoritairement reportés sur Macron au second tour, étaient sensibles à la question de l’insécurité culturelle, mais étaient épargnés par l’insécurité sociale. À l’inverse, les électeurs de Mélenchon étaient sensibles à la question sociale, mais pas touchés par l’insécurité culturelle. C’est pourquoi le débat sur la ligne que doit tenir le FN, sociale ou identitaire, est stérile. De même, à droite, sur la ligne dite Buisson. L’insécurité culturelle de la bourgeoisie de droite, bien que très forte sur la question de l’islam et de l’immigration, ne débouchera jamais sur un vote «populiste» car cette bourgeoisie estime que sa meilleure protection reste son capital social et patrimonial et ne prendra pas le risque de l’entamer dans une aventure incertaine.

(…) L’erreur de la plupart des observateurs est de présenter Trump comme un outsider. Ce n’est pas vrai. S’il a pu gagner, c’est justement parce qu’il vient de l’élite. C’est un membre de la haute bourgeoisie new-yorkaise. Il fait partie du monde économique, médiatique et culturel depuis toujours, et il avait un pied dans le monde politique depuis des années. Il a gagné car il faisait le lien entre l’Amérique d’en haut et l’Amérique périphérique. Pour sortir de la crise, les sociétés occidentales auront besoin d’élites économiques et politiques qui voudront prendre en charge la double insécurité de ce qu’était hier la classe moyenne. C’est ce qui s’est passé en Angleterre après le Brexit, ce qui s’est passé aux États-Unis avec Trump, ce qui se passe en Corse avec les nationalistes. Il y a aujourd’hui, partout dans le monde occidental, un problème de représentation politique. Les électeurs se servent des indépendantismes, comme de Trump ou du Brexit, pour dire autre chose.

Que révèle le phénomène Johnny?

On peut rappeler le mépris de classe qui a entouré le personnage de Johnny, notamment via «Les Guignols de l’info». Il ne faut pas oublier que ce chanteur, icône absolue de la culture populaire, a été dénigré pendant des décennies par l’intelligentsia, qui voyait en lui une espèce d’abruti, chantant pour des «déplorables», pour reprendre la formule de Hillary Clinton.

L’engouement pour Johnny rappelle l’enthousiasme des bobos et de Canal + pour le ballon rond au moment de la Coupe du monde 98. Le foot est soudainement devenu hype. Jusque-là, il était vu par eux comme un sport d’«ouvriers buveurs de bière». On retrouve le même phénomène aux États-Unis avec le dénigrement de la figure du white trash ou du redneck.

Malgré quarante ans d’éreintement de Johnny, les classes populaires ont continué à l’aimer. Le virage à 180 degrés de l’intelligentsia ces derniers jours n’est pas anodin. Il démontre qu’il existe un soft power des classes populaires.

L’hommage presque contraint du monde d’en haut à ce chanteur révèle en creux l’importance d’un socle populaire encore majoritaire.

C’est aussi un signe supplémentaire de l’effritement de l’hégémonie culturelle de la France d’en haut. Les classes populaires n’écoutent plus les leçons de morale. Pas plus en politique qu’en chanson.

Le Figaro

Merci à valdorf

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