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François Bayrou revient pour Le Parisien sur la polémique Ramadan et le débat sur la laïcité. Il est urgent, selon lui, d’apaiser les esprits sur la laïcité.

C’est quoi la société française ? Une société de racines judéo-chrétiennes bien sûr, très importantes, mais au moins autant de racines romaines, ne serait-ce que pour la langue et le droit, de racines grecques pour la pensée, du combat des Lumières, pour la liberté de pensée, contre les dogmes étouffants, et aussi des racines du monde arabe et perse quand on pense à nos chiffres, à l’algèbre, ou aux algorithmes.

La polémique Ramadan est-elle révélatrice d’un problème sur la place de l’islam dans notre société ?

Sûrement, oui. Vous connaissez ma position singulière : je suis chrétien, croyant, pratiquant, et en même temps défenseur absolu de la laïcité. Cette polémique me stupéfait. On est parti d’accusations de harcèlement sexuel, de violences ou peut-être même de viol, à l’encontre de Tarik Ramadan, prédicateur et leader musulman, qui se présentait dans le débat public plutôt comme rigoriste. Voilà le point de départ. Il est normal d’être choqué, et de condamner avec sévérité ces attitudes. Mais de là, le sujet a flambé en accusations réciproques, qui ont peu à voir avec les faits : d’un côté mise en accusation de certains, en particulier de Médiapart, pour « complicité avec l’islamisme », de l’autre réplique sur le thème : c’est une « campagne anti-islam » ! Le tout avec une violence sans précédent, déraisonnable. Cette violence est un symptôme : c’est le malaise exaspéré d’une partie de la société française, y compris dans les milieux intellectuels, à l’égard de l’islam. Or la définition même de la laïcité fait que ce malaise ne devrait pas exister.

Mais la laïcité aujourd’hui peut-elle rester la même qu’en 1905 alors qu’il n’y avait que peu de musulmans en France ?

Le principe de laïcité ne change pas selon qu’il y ait plus ou moins de croyants d’une religion ou de non-croyants. Il est vrai que pour les chrétiens cette règle devrait être plus naturelle : la laïcité est préfigurée dans l’Écriture. Tout le monde connaît cette phrase : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Le pouvoir spirituel d’un côté, le pouvoir dans la cité de l’autre. C’est sans doute moins évident pour les religions qui ne font pas cette distinction et pensent que la loi religieuse doit englober toute la vie. Mais le combat doit être mené : cette double exigence de liberté de conscience et de respect de règles communes dans la vie de la cité, c’est la seule clé pour que les sociétés pluralistes aient un avenir.

Manuel Valls a-t-il raison d’accuser certains à gauche de complicité avec l’islam radical ?

Je respecte Manuel Valls, mais sur ce point, je ne le suis pas. Je ne partage pas le sentiment que nous sommes une société assiégée. Nous sommes une société qui a été blessée et meurtrie et accablée par des horreurs commises au nom de l’islam. Cette société a raison de se défendre sans faiblesse. Mais contaminer le débat sur l’islam au nom de l’islamisme, le débat sur la religion du plus grand nombre au nom de l’extrémisme religieux, je ne le partage pas. De même que ni le christianisme ni le judaïsme ne se définissent par les pratiques les plus intégristes et les plus agressives. […]

Le Parisien

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