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Alors que le débat s’enflamme sur l’écriture inclusive, “l’Obs” a demandé à plusieurs “écrivain•e•s” ce qu’ils en pensent. Chloé Delaume, romancière “exigeante et audacieuse”, s’exprime sur le sujet.

La féminisation des noms de métiers, des grades, des titres et des fonctions n’est toujours pas reconnue par les gardiens de l’usage, le phallocentrisme pour eux : un trésor national. Simone Veil, un confrère. Le masculin n’est pas neutre, il auréole de grâce, offert comme un cadeau, le masculin répare chez les femmes qui le méritent leur envie de phallus. L’influence du freudisme sur les personnes âgées fait encore des ravages.

Ce qui n’est pas nommé n’existe pas: l’invisibilisation des femmes passe d’abord par la langue. Or depuis quelque temps, les leurs, partout, se délient. Souvent, en se libérant, leur parole éclabousse les consciences de gras de porc, un haut-le-cœur collectif. La possibilité que le réel se modifie, que les comportements cessent de tremper dans l’huile. Pour décrire ces violences, leurs formes et leurs manifestations implicites comme explicites, il existe tout un tas de mots dans le dictionnaire. Ils circulaient depuis longtemps, jusqu’ici en privé, pas dans l’espace public.

L’espace public, en France, le bon esprit de la gaudriole, la possession par droit de cuissage, l’invocation de l’œuvre de Rabelais et de la truculence nationale pour palper tranquillou la chatte de la voisine : en marche pour l’exorcisme. En cela, réjouissons-nous. Et profitons, surtout, de ce moment propice pour imposer dans la foulée une réforme de la langue française, et l’annexion de l’Académie française par le secrétariat d’Etat chargé de l’Egalité femmes-hommes.

Depuis 1634, la grammaire et le Dictionnaire, l’évolution de la langue, sont sous la protection de l’Académie française, qui seule a le pouvoir de trancher. Quarante sièges, première femme Marguerite Yourcenar, 1980. Bientôt cinq siècles, 729 membres, 8 femmes. Alors évidemment. La langue française vivante, mais les bouches qui la parlent, les lèvres qui la font, elles restent muettes, invisibles, jamais représentées. Nicolas Beauzée, grammairien, 1767: «Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle.» […]

Le Nouvel Obs

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