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L’économie française retrouve les traits qui étaient les siens à l’époque de notre empire colonial, argumente l’historien Pierre Vermeren.

La vente d’Alstom Transport à l’allemand Siemens est une nouvelle illustration du déclin industriel de la France. La question n’est plus de documenter ce constat, mais de tenter de l’expliquer.

La relecture de notre histoire industrielle s’impose. La France a été avec l’Allemagne le pays moteur et leader mondial de la deuxième révolution industrielle, entre 1880 et 1930. Acier, électricité, téléphonie, cinéma, automobile, aviation, chimie: l’industrie et la science françaises étaient alors de toutes les innovations. Ce fut l’apogée de la France du Nord et de l’Est, régions parisienne et lyonnaise incluses, qui convertissaient avec profit les capitaux accumulés au XIXe siècle dans l’agriculture, le textile et la sidérurgie. La France du Nord était la compétitrice de l’Allemagne.

C’est ce capitalisme sans usine, marchand et rentier, que la France a légué à ses anciennes colonies : on comprend pourquoi aucune d’entre elles, un siècle plus tard, n’est devenue un pays développé. Durant cette période, l’autre France, celle de l’Ouest et du Sud, non sans relais bancaires parisiens et lyonnais comme la Banque de Paris et des Pays-Bas (future BNP), se lance dans une expansion coloniale forcenée en Afrique et en Asie. […]

L’immigration et le vieillissement sont deux éléments clefs du dispositif, car l’économie sociale de redistribution repose sur la croissance nominale de la population. Qu’importe la médiocrité de la formation ou la déqualification de la main-d’œuvre: seul compte le nombre. Qu’importent les dizaines de millions d’inactifs ou d’improductifs (dont 6 millions de chômeurs si l’on tient compte des temps partiels), ils sont un moteur de cette croissance aussi extensive que poussive (moins de 1 % dans les années 2010 contre 5 % dans les années 1960): la démographie nourrit le BTP par une constante pénurie organisée de logements et d’équipements ; elle alimente l’économie d’endettement par les déficits sociaux et publics ; elle contribue à faire tourner les grands secteurs postindustriels comme la santé et la grande distribution.

La France vit donc, en quelque sorte, le grand retour du modèle capitaliste qu’elle avait connu à l’époque de son empire colonial: financier, improductif, marchand et rentier. Le capitalisme industriel a été vaincu par K.-O., à l’exception des secteurs qui permettent de rayonner dans les pays en développement: énergie (pétrole), armement et grands équipementiers. L’histoire dira si la destruction de notre capital productif a été l’ultime revanche de notre histoire coloniale. […]

Le Figaro

Merci à Vieux Frère

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