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À 80 ans, elle n’a rien perdu de sa verve ni de sa radicalité. Véritable icône de la lutte antiapartheid, elle n’épargne personne. Ni le président Zuma, ni les cadres corrompus de l’ANC, ni même son ex-mari, Nelson Mandela. Entretien exclusif avec une femme qui ne lâche rien.

L’archevêque Desmond Tutu a inventé une métaphore célèbre pour qualifier l’Afrique du Sud postapartheid : la Rainbow Nation, la « nation Arc-en-Ciel ». Vous y croyez ?

“Non. D’abord parce que les couleurs de l’arc-en-ciel ne se mélangent pas et qu’il n’existe parmi elles ni la couleur noire ni la blanche. La comparaison n’a donc pas de sens. Ensuite parce qu’il s’agit depuis le début d’un mythe total auquel les dirigeants de l’époque ont voulu nous faire croire. C’était un vœu pieux qui n’a jamais correspondu à la moindre réalité. La réconciliation n’a été qu’une façade ; nous ne sommes pas libres car nous n’avons pas la liberté économique.

Par ailleurs, nos gouvernants n’ont jamais eu le courage d’affronter la question du racisme. Or les incidents où les Noirs sont traités comme des esclaves, comme des animaux, avec des insultes comme « singes » ou « négros », se multiplient. J’ai parfois l’impression que nous sommes en train de revenir à l’époque de l’apartheid, c’est extrêmement inquiétant. Il faut impérativement revisiter notre passé et corriger nos erreurs. L’ANC doit retrouver sa gloire et son éclat d’antan, sinon nous courons à la catastrophe.”

Selon vous, à quoi a servi la Commission Vérité et Réconciliation, présidée par Desmond Tutu entre 1996 et 1998, souvent présentée comme un modèle de justice transitionnelle ?

“À en juger par la multiplication des incidents raciaux, je me demande quelle a été son utilité. Je vis à Soweto, un township créé par le régime d’apartheid pour parquer les Noirs. Un quart de siècle après l’abolition de l’apartheid, il n’y a toujours pas un seul Blanc à Soweto. Les seuls que nous voyons sont des touristes. Où est le changement ?”

(…)

Jeune Afrique

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