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A Chanteloup-les-Vignes, dix années de travaux pharaoniques et 106 millions d’euros ont certes permis d’embellir le quartier de la Noé, mais sans y réduire la pauvreté.

Les dix années de travaux pharaoniques et les 106 millions d’euros investis pour « désenclaver » et « déghéttoïser » le quartier de la Noé, rendu célèbre il y a un peu plus de vingt ans par le film La Haine, de Mathieu Kassovitz, ont permis d’embellir le décor, mais pas de réécrire le scénario. (…)

« On a pensé qu’en remettant trois fleurs et en cassant quelques immeubles, on arriverait à attirer des Blancs, mais c’est un vœu pieux », juge Catherine Arenou. Le franc-parler de l’édile tranche avec les précautions de langage des politiques, dans un pays où les statistiques ethniques sont interdites.

« En réalité, depuis le début, ce qui est en jeu, c’est la mixité ethno-raciale, décrypte le sociologue Renaud Epstein. L’objectif n’est jamais affiché officiellement dans ces termes, car la loi l’interdit, mais c’est bien ainsi qu’il est formulé officieusement. »

Arona Seck, 35 ans, coordinateur des médiateurs de Chanteloup-les-Vignes, ne prend pas plus de pincettes que la maire : « La rénovation urbaine ? Bah oui, ça veut dire faire venir des Blancs. C’est ce qui nous manque, c’est ce qui a disparu. »

Cette volonté politique est souvent soutenue par les habitants. « Ils fantasment souvent les années 1970, qu’ils perçoivent comme l’âge d’or de la cohabitation entre les populations de toutes origines, raconte Yoan Miot, maître de conférences à l’école d’urbanisme de Paris. Si bien que les populations des grands ensembles regrettent beaucoup le départ de la population européenne qu’ils appellent les Blancs. »

Abdelaziz Zelif, 56 ans, conducteur de bus et président de l’Amicale des locataires de la Noé, tient ce discours : « Il faut des Blancs, sinon ça devient un ghetto ! » Sauf qu’ils sont, dans les faits, très peu à revenir. Et souvent cantonnés aux frontières extérieures des quartiers.

Les plans de rénovation des quartiers ont tous voulu « diversifier l’offre », en proposant des logements en accession sociale à la propriété, en location libre, ou en réduisant la taille des appartements HLM, pour varier le type de locataires, afin de réduire la proportion de familles nombreuses.

« Mais le plus souvent, la diversification de l’offre ne se fait pas à l’intérieur du quartier mais en bordure, dans les 500 mètres », explique Renaud Epstein. Et la greffe peine à prendre : on veut mixer les mondes, mais on arrive souvent seulement à les poser les uns à côté des autres.

A Bobigny, aux portes de la cité Karl-Marx, Issa, Yanis et Valoua, 20 ans, font ce constat, face aux nouveaux bâtiments qui ont poussé pour attirer de nouvelles populations : « A l’intérieur de ces résidences protégées par des grilles et plusieurs digicodes, c’est une autre vie. Pour les quelques nouveaux arrivants, ce sont des cités-dortoirs pas chères. Ils ne mettent pas leurs enfants dans les mêmes écoles que nous et ne vivent pas ici. »

A Chanteloup-les-Vignes, Demba Diakaté, 20 ans, au chômage, abonde : « Ils ne se mélangent pas avec nous. On ne les voit que lorsqu’ils prennent le bus ou le train pour aller travailler. »(…)

L’équation semble sans solution. Imposer plus de mixité dans un quartier, c’est jouer, une fois encore, la carte de la discrimination, et risquer de repousser la ghettoïsation juste un peu plus loin… « On demande aux bailleurs de tenir deux objectifs : maintenir le droit au logement et respecter la mixité, explique Béatrix Mora, directrice du service des politiques urbaines et sociales à l’Union sociale pour l’habitat, qui regroupe 730 bailleurs au niveau national. Or, au niveau local, il est impossible de concilier les deux. On ne pourra diversifier que si certaines conditions préalables sont réunies : revoir la carte scolaire, améliorer la sécurité, accompagner les populations… » Un constat unanime.

Le Monde

Merci à valdorf

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