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L’arrivée massive d’étudiants a dégradé l’image de l’université, quand les filières d’élite, elles, se sont fermées aux élèves défavorisés, analyse la philosophe à la veille des résultats du baccalauréat. Le fossé s’est creusé entre une petite minorité qui bénéficie d’une formation privilégiée et les autres qui accèdent à des études sans garantie de réussite. Il est pourtant possible de démocratiser davantage l’enseignement supérieur.

La valeur de la formation universitaire s’est perdue au fil des décennies, elle n’a pas su se constituer comme la voie royale pour former les élites économiques et politiques, ce qui est le cas dans le reste du monde.

Cette année encore, environ 70 % d’une classe d’âge devrait obtenir son bac, qu’il soit général, technologique ou professionnel. Est-ce suffisant pour clamer que les études sont désormais démocratisées ? Non, démontre la philosophe Monique Canto-Sperber, directrice de recherche au CNRS, dans son dernier livre, “L’Oligarchie de l’excellence” (PUF). Car au lendemain de cet examen hautement symbolique, dont les résultats tombent mercredi, commence une grande orientation qui va diviser la jeunesse en deux : ceux qui choisissent l’université, ouverte à tous, et ceux qui se dirigent vers les filières sélectives. Et la coupure deviendra parfois définitive. En ne s’adaptant pas assez à la massification des études, l’enseignement supérieur français est devenu, selon la philosophe, le socle d’une société oligarchique, fondée sur l’excellence.

Parmi les jeunes qui vont découvrir leurs résultats au bac mercredi, certains gagneront les bancs de la fac, d’autres iront en classe préparatoire aux grandes écoles… Ce choix, dites-vous, prendra dans quelques mois «un tour irréversible».

En France, cette première orientation dans l’enseignement supérieur se transforme vite en destin. Les étudiants acceptés dans une filière sélective obtiendront presque tous leur diplôme et seront quasiment sûrs de trouver un emploi. Au contraire, 60 % de ceux qui s’engagent en première année à l’université n’auront pas leur licence trois ans plus tard. Ces jeunes en échec sont majoritairement issus des milieux défavorisés : un quart des enfants d’ouvriers ou d’employés quittent l’université sans diplôme (contre 16 % pour l’ensemble des étudiants).

A l’inverse, les filières dites «d’excellence» sont fréquentées par des jeunes que leur environnement familial et culturel a souvent préparés à faire de bonnes études. Le retournement de tendance date de la fin des années 70 : en vingt ans, le recrutement de quatre des écoles les plus prestigieuses est passé de 21 % à 8 % de boursiers.

Quand je suis entrée comme étudiante à l’Ecole normale supérieure, nous étions 35 filles dans ma promotion, deux d’entre elles avaient des parents quasi illettrés. J’ai depuis été directrice de cette école et je sais que ce genre de cas n’existe pour ainsi dire plus. […]

Libération

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