Fdesouche

Tribune de Didier Fassin (Professeur à l’Institute for Advanced Study de Princeton et directeur d’études à l’EHESS de Paris) sur l’augmentation de la population carcérale en France.

Face à cette situation, aucun responsable politique n’a plus aujourd’hui le courage de la vérité. Aucun n’ose dire que, loin de protéger la société, l’inflation carcérale la fragilise ; que plus de châtiment, c’est plus d’insécurité ; et que plus de sévérité, c’est plus d’inégalité.

C’est dans les cités, et non devant les universités, qu’elles pratiquent contrôles d’identité et fouilles des personnes – là encore conformément à ce que les autorités attendent d’elles. Autrement dit, au-delà des actes, ce sont bien des populations qui sont définies a priori comme punissables.

[…] En France, comme dans nombre de pays, la croissance des disparités de richesse est parallèle à l’augmentation de la population carcérale. L’insécurité que ressent une part importante de la société, en matière d’emploi, de logement, de retraite, d’avenir des enfants et de transformations rapides du monde contemporain, a été déplacée, sous l’influence du populisme pénal, vers une insécurité énoncée en termes de délinquance et de criminalité, alors même que les Français sont confrontés bien plus à la première qu’à la seconde. A mesure que l’Etat social s’est rétréci, l’Etat punitif s’est étendu, au prétexte de répondre aux préoccupations d’une opinion manipulée par une rhétorique de la peur au gré des faits divers. L’impossibilité de penser la réponse aux infractions en dehors du châtiment et de penser le châtiment en dehors de l’horizon de la prison est le produit de cette évolution. […]

Le Monde

Fdesouche sur les réseaux sociaux