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Chronique d’Arnaud Leparmentier, éditorialiste au Monde.

On a écarquillé les yeux, refait ses comptes. Sur les onze, ils sont dix. Dix candidats à avoir voté non, soit à Maastricht, soit lors du référendum de 2005. […]

Bien sûr, les augures semblent défavorables : les candidats antieuropéens font la moitié des intentions de vote, et le parti proeuropéen déclaré un quart seulement – le vote Hamon et Fillon étant mixte. Si le duel Macron-Le Pen se confirme, le second tour de la présidentielle devrait se transformer en un référendum à haut risque sur l’Europe.

Le danger, dans cet affrontement société ouverte – société fermée, est d’avoir in fine une cassure de classe dans tout le pays : les élites privilégiées et mondialisées contre l’électorat populaire découragé.

Et une fausse lecture de l’Europe, accusée d’être le cheval de Troie d’une mondialisation sauvage alors qu’elle est la seule à pouvoir la tempérer. […]

(Macron, Bayrou, Lagarde, Morin)

Nous connaissons un « choc de civilisation », pour reprendre l’expression prophétique de Samuel Huntington : le défi de l’islam politique et l’angoisse identitaire mettent à l’épreuve tous les pays européens, que leur modèle soit communautaire comme celui des Britanniques ou intégrationniste comme pour les Français. Mais les nations n’ont pas grand-chose à voir dans l’affaire. […]

C’est l’inverse qu’il convient de faire, approfondir le lien avec l’Allemagne que la géographie et l’Histoire persistent à placer à nos côtés. Quitte à avoir de sérieuses explications de gravure, notamment sur leurs excédents commerciaux excessifs. C’est ce qu’ont fait les pères de l’Europe, chrétiens-démocrates et socialistes, qui lancèrent l’aventure européenne en 1950 ; de Gaulle, qui réconcilia la France avec l’Allemagne d’Adenauer. Giscard et Mitterrand, qui réarmèrent face à Moscou et lancèrent la monnaie unique. Bref, un cheminement français, où le clivage gauche-droite n’était guère pertinent.

Cette coalition centrale devient la seule possible. La droite extrême est disqualifiée tandis que la primaire du PS a acté la victoire des frondeurs et accéléré leur marginalisation par Jean-Luc Mélenchon, plus talentueux dans sa rupture révolutionnaire. L’union de la gauche étant caduque, sociaux-démocrates et centre droit peuvent reformer un socle idéologique commun, comme l’explique le centriste Jean-Louis Bourlanges : l’emploi et le retour de l’égalité en France ne seront possibles que grâce à la croissance et à la compétitivité des entreprises – bref, il faut amplifier ce qui a été timidement engagé sous Hollande. Ce bloc défend des valeurs fondamentales, fondées sur le respect du droit d’asile, de la justice, de la presse, de l’ordre international. Le vrai patriote, le défenseur de la nation et de ses valeurs, c’est l’Européen. Reste à en convaincre la majorité des électeurs.

Le Monde

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