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Dans les “quartiers populaires”, les contrôles d’identité récurrents sont l’occasion de face-à-face tendus avec les forces de l’ordre. Reportage de Julia Pascual, journaliste au Monde.

[…] A la faveur d’un fait divers ou d’une « bavure », la lumière médiatique éclaire crûment une confrontation qui se joue au quotidien, dans les quartiers populaires, entre jeunes et policiers. «On a parfois l’impression d’être face à des bandes rivales», s’étonne encore Déborah Meier, avocate au barreau de l’Essonne , qui défend régulièrement des mineurs poursuivis pour des faits de rébellion et d’outrage à agent. […]

Interrogé, un policier d’une brigade spécialisée de terrain (BST) du sud de l’Ile-de-France conteste l’existence de « contrôles au faciès ». «Ce qu’on regarde, dit-il, c’est la manière de s’habiller et de se comporter. Les jeunes sont là, avec leur jogging remonté et leur maillot de foot. Si on les contrôle, c’est parce que tous les mecs qui dealent sont habillés comme ça. C’est jamais agréable de se faire contrôler mais je leur dis ‘tu la ramènes pas et dans cinq minutes, t’es parti.’ » Un policier de Trappes (Yvelines) confirme : «S’ils sont dans un hall où ça deale, il y a peut-être une raison à ce qu’on les contrôle. » Ces opérations de police sont toutefois peu utiles à la découverte d’infractions puisque environ 95 % d’entre elles ne débouchent sur rien. Le policier des Yvelines poursuit : «Si ça peut les gêner un peu, c’est déjà ça. Et puis, on pourrait relever des infractions : ils occupent un hall d’immeuble, ils crachent, ils pissent, il y a des culs de joint et des canettes d’Oasis à même le sol… »

L’avocate Déborah Meier y voit le détournement d’un outil par des agents qui connaissent parfaitement l’identité de ceux qu’ils contrôlent : «Dans certaines procédures, ils écrivent même ‘décidons de procéder au contrôle d’untel, très défavorablement connu de nos services’», s’étonne-t-elle. «On les connaît mais ils ont peut-être été inscrits au fichier des personnes recherchées, changé d’adresse ou ont du stup sur eux», défend le policier de Trappes. Arouf (le prénom a été modifié), 28 ans, originaire de Viry-Châtillon, a une autre lecture : «Le soir, si les policiers s’ennuient, ils vont avoir tendance à provoquer le contrôle, le plus souvent sur des jeunes qui squattent dehors parce qu’ils n’ont pas de voiture et que leur cadre social, ça reste en bas de chez eux. » Une vraie machine à ressentiment, selon Me Meier : « Certains se font contrôler cinq fois par jour. Au bout d’un moment, ils perdent patience et ils peuvent leur dire d’aller se faire enc…» […]

Avec une franchise rare, certains policiers reconnaissent que les digues cèdent parfois : «Au bout d’un moment, à force d’être caillassé et insulté… Il y a un côté vengeance qui prend le dessus, concède un fonctionnaire du Val-d’Oise. Si on retrouve un type qui nous a échappé, quelques baffes partent. Oui, ça arrive, c’est une remise à niveau des compteurs et ça reste entre nous. » Le gardien de la paix du sud de l’Ile-de-France sait précisément comment «faire partir un contrôle en couille pour pouvoir calmer le mec devant ses potes et lui montrer que c’est pas lui qui décide». Il sait aussi que « rien ne [l]’énerve plus qu’un mec qui [le] regarde de la tête au pied avec dédain».[…]

Le Monde

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