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Aux élections régionales de 2015, Claude Bartolone a été défait par Valérie Pécresse tandis qu’en 2016, François Fillon l’a emporté contre Alain Juppé. Jérôme Fourquet décrypte pourquoi, dans les deux cas, la stratégie Terra Nova n’a pas fonctionné.

Dans le cadre de la bataille des représentations en l’Ile-de-France à laquelle se sont livrés Claude Bartolone et Valérie Pécresse, la tête de liste de la gauche employa en meeting puis tweeta ainsi par exemple le 9 décembre la formule suivante: «L’Ile-de-France monte des start-up, cultive les champs, fait du hip-hop, se tatoue les bras!». Dans son affrontement symbolique contre une droite dépeinte comme s’appuyant sur un électorat conservateur, traditionnel (portant le «serre-tête») voire réactionnaire (les sympathisants de la Manif pour tous et de la «race blanche»), Claude Bartolone donnait à voir dans cette série de messages la «nouvelle coalition», pour reprendre une formule de la fameuse note de Terra Nova, qu’il comptait incarner et pour laquelle il se battait.

On voit ainsi apparaître une alliance sociologique composée d’acteurs de l’économie numérique et digitale, d’agriculteurs (bio?), de jeunes de banlieue ou d’amateurs de «musiques urbaines» et de tatoués, catégories censées incarner une jeunesse branchée s’opposant à une jeunesse de l’ouest parisien coincée et arborant le serre-tête. […]

Si nous ne disposons pas de données sur l’orientation politique des «joueurs ou danseurs de hip hop», l’Ifop a en revanche déjà effectué des enquêtes sur la pratique du tatouage. Il nous est donc possible d’analyser le profil politique de ce groupe qui a retenu l’attention de Claude Bartolone au point de le désigner comme une catégorie emblématique de «son» Ile-de-France. Or si le tatouage s’est fortement diffusé dans la population (13% des Français déclarant être tatoués ) et si cette pratique est «tendance» dans certains milieux branchés, nos chiffres montrent que le tatouage est deux fois plus répandu dans les milieux populaires (22%) que parmi les CSP+ (10%). Le tatouage constitue également apparemment un indice d’une certaine radicalité politique. C’est en effet parmi les électeurs de Marine Le Pen à la présidentielle de 2012 que la proportion de tatoués est la plus forte (21%), suivis par les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (16%).

Cette pratique est nettement moins répandue dans l’électorat des partis de gouvernement: 10% parmi les soutiens de Nicolas Sarkozy et 11% parmi ceux de François Hollande et est la plus rare chez les centristes (7% parmi les électeurs de François Bayrou). Le cliché d’une pratique corporelle relevant d’abord d’une jeunesse urbaine et branchée est donc battu en brèche par les chiffres, les tatoués se recrutant d’abord dans les catégories populaires et étant plutôt enclins à voter pour le FN et dans une moindre mesure pour le Front de gauche.

Le Figaro

Merci à Lilib

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