Fdesouche

Fantasque et provocateur, Aziz Allag comparaît depuis hier devant la cour d’assises du Haut-Rhin, pour y répondre d’un braquage accompagné d’une tentative de meurtre, commis en janvier 2011 dans une station essence de Mulhouse. Il a toujours nié les faits.

Le 30 janvier 2011, peu après 17 h, un homme vêtu d’une large doudoune blanche pénètre dans la station essence Total de l’avenue de Colmar, à Mulhouse. Malgré la nuit tombante, son visage est en partie masqué par une paire de Ray-Ban. Il tient surtout en main une boîte de conserve, enflammée à l’aide d’alcool à brûler. Un cocktail Molotov de fortune, qu’il lance sans sommation au visage de la caissière, aussitôt transformée en torche humaine. Rictus aux lèvres, son agresseur s’enfuit sous les yeux de témoins médusés, après avoir raflé le contenu du tiroir-caisse, soit quelque 1 000 € en liquide. Grièvement brûlée au visage et au torse, la victime va rester plongée en coma artificiel pendant deux mois, le temps que ses souffrances deviennent tout juste tolérables.

Six ans plus tard, ou presque, le procès d’Aziz Allag, âgé aujourd’hui de 40 ans, s’est ouvert hier matin devant la cour d’assises du Haut-Rhin, à Colmar. L’accusé, qui est arrivé libre à l’audience, a toujours nié être l’auteur de l’attaque. La victime, en revanche, est convaincue de l’avoir reconnu, en le croisant en juillet 2011 en plein cœur du quartier mulhousien de Bourtz-willer. Seule certitude : l’intéressé est un habitué des tribunaux. Conduite en état alcoolique, vols, recels et menaces de mort… Son casier judiciaire porte trace de 22 condamnations, mais lui n’y voit que des « petites bêtises de jeunesse » , commises pour financer ses achats de cannabis. Depuis quelques temps, il préfère carburer à la bière Bavaria 8.6, au Lexomil et au Subutex. Résultat : d’une voix pâteuse, il multiplie les propos fantasques et vindicatifs, flirtant à chaque instant avec l’outrage. Cela commence dès le tirage au sort des jurés : « On joue au bingo, là, ou quoi ? » La présidente de la cour Marie-Catherine Marchioni s’interrompt aussitôt, pour se tourner vers l’avocat de la défense : « Me Bentayeb, vous n’avez pas un rôle facile, mais je vous invite à canaliser votre client… »

Une agression « d’une violence inouie »

Rebelote 20 minutes plus tard, à l’occasion de l’interrogatoire de curriculum vitae. « Par quoi vous voulez que je commence ?, grogne l’accusé. J’ai vécu une belle enfance, mes parents étaient même trop gentils… Et puis j’ai couché avec plein de filles ! » La présidente tente en vain de guider son propos : « Oui, bon, pour l’instant, on s’intéresse à votre enfance. » « Ah, mais j’ai commencé très tôt… » À l’évidence, l’accusé se désintéresse des questions qu’on lui pose. Ses relations familiales ? « Qu’est-ce que ça a à voir avec l’affaire ? » Ses études ? Il hausse les épaules : « J’ai quitté le collège en 4e. J’ai jamais aimé l’école, j’arrêtais pas de redoubler. » Le mariage, la vie de couple, les enfants ? « C’est pas mon truc », répète-t-il à trois reprises, d’un ton monocorde. « Je vivais aux crochets de mes parents. Le RSA, quand on sait gérer, ça suffit. » Imperturbable, la présidente poursuit son interrogatoire : « Comment occupez-vous vos journées ? » « La télé et quelques bières. » « Et vous en avez bu, des bières, avant de venir ce matin ? » « Oui, une. » « Et vous avez aussi pris des médicaments ? » « Oui. 0,8 mg de Subutex et quatre Lexomil. » « C’est beaucoup, ça, M. Allag. » « Pour vous peut-être… » Le dialogue de sourds se prolonge jusqu’en fin de matinée. Peu avant midi, un officier de policier vient déposer à la barre. Il résume l’enquête de la brigade criminelle de Mulhouse, parle d’une agression d’ « une violence inouïe » , d’un mode opératoire « jamais vu en 25 ans de carrière ». Impassible, Allag n’écoute même pas, trop occupé à inspecter la lampe de pupitre posée devant lui.
(…)

Reprise de l’audience ce jeudi matin, à 9 h. Le verdict est attendu pour demain soir.

L’Alsace

Fdesouche sur les réseaux sociaux