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Tribune de Roger Scruton, Roger Scruton, philosophe britannique reconnu comme l’un des plus grands auteurs conservateurs de la sphère anglophone.

Nous ne comprendrons l’élection de Donald Trump que si nous la considérons dans le contexte d’une rupture croissante, aux Etats-Unis, entre l’élite libérale et les gens du cru et ordinaires. La même rupture est apparue en Europe. On peut observer ses effets en Grande-Bretagne, dans le vote pour le Brexit, et en France, dans l’effondrement de l’establishment politique et l’ascension progressive de Marine Le Pen.

C’est une rupture que les médias ne font qu’exacerber. Aux mains de gens instruits et cosmopolites, pour une très large part, les médias n’ont pas de sympathie, dans l’ensemble, pour ceux qui paient le coût réel des politiques libérales – ceux qui « perdent leur pays » face à des forces mondiales qui dépendent de la protection d’Etats centralisés.

Je suis stupéfait que tant de gens n’arrivent pas à comprendre que la démocratie et l’identité nationale dépendent en définitive l’une de l’autre.

On comprend dès lors que nombre de ceux qui comptaient voter pour Trump n’ont pas confessé leurs intentions. Des charges comme celle de « racisme » sont intimidantes. Elles impliquent que vos sentiments ne sont pas seulement erronés mais mauvais. Elles vous marquent du nom de paria, de rebut qui n’a pas sa place dans l’avenir de la nation. Alors vous vous taisez et cachez vos sentiments. Mais vos sentiments n’en sont pas moins réels. […]

Néanmoins, certaines occasions nécessitent l’appel direct au peuple. Ce fut le cas en Grande-Bretagne, lorsqu’on nous a demandé si nous souhaitions rester dans l’Union européenne. La question avait cessé d’en être une pour les hommes politiques ou les experts, qui l’avaient systématiquement évitée. La classe politique avait renoncé à toute tentative de contrôler l’immigration massive depuis l’Europe de l’Est vers notre pays déjà surpeuplé – une immigration qui a causé une crise du logement, du système de santé et de l’environnement, de même qu’un changement radical de l’aspect de nos villes et de la composition de nos écoles. De même, elle avait abandonné toute tentative de soutenir la juridiction du droit commun anglais face aux jugements de plus en plus irresponsables des cours européennes.

Résultat, la question de l’identité se retrouva au premier plan des esprits : qui sommes-nous ? Quel est le lien qui nous unit ? Qui gouverne ? Sommes-nous unis par un processus européen qui implique l’extinction rapide de notre identité nationale et de nos institutions souveraines ? Ou sommes-nous toujours liés par nos coutumes, notre héritage politique et notre terre ? Ce sont des questions réelles, même si les hommes politiques, membres de l’élite libérale, préfèrent les ignorer. On ne peut pas y répondre par le processus politique car, comme toutes les questions d’identité, elles sont pré-politiques. Elles concernent la première personne du pluriel, le « nous » sur lequel la démocratie se fonde. […]

Le Monde

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