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À long terme, la principale source de développement du djihad en Europe, c’est la tolérance pour le salafisme. Pour la Pologne, c’est très important car l’Allemagne est un des plus gros centres du salafisme en Europe et l’on peut déjà observer les premiers effets de l’exportation de cette idéologie extrémiste de notre côté de l’Oder, écrit Witold Repetowicz [journaliste-reporter, auteur de nombreux reportages et publications sur le Kurdistan turc et syrien et sur la guerre en Syrie].

[…] Récemment encore, les Allemands étaient persuadés que leur opposition aux interventions militaires dans les pays musulmans ainsi que leur politique d’intégration les protégeait contre l’activité terroriste djihadiste des cellules de l’islam radical présentes en Allemagne. En 2016, ils se sont aperçu que c’était illusoire et cela sonne comme un avertissement pour la Pologne qui se trouve actuellement à l’étape de développement de l’extrémisme islamique où se trouvait l’Allemagne il y a environ 20 ans. Le fait qu’il y ait peu de musulmans en Pologne n’a pas d’importance. Ce qui importe le plus, c’est la proportion de salafistes et autres « soldats du califats », c’est-à-dire de personnes haïssant notre système démocratique et souhaitant instaurer un califat.

[…] En Allemagne, ce n’est qu’en 2012 qu’on a commencé à délégaliser et à inscrire sur la liste des organisations terroristes certains groupes salafistes qui avaient des liens prouvés avec les djihadistes syriens. La majorité des salafistes ne sont toutefois pas inquiétés. L’expansion du salafisme a commencé dans la moitié des années 1970 et a été stimulée par les énormes fonds qu’y a consacrés l’Arabie saoudite. Celle-ci est restée jusqu’à nos jours le plus gros sponsor de cette idéologie. Il est estimé que sous le règne du roi Fahd (1982-2005), l’Arabie saoudite a dépensé plus de 75 milliards de dollars pour exporter le salafisme. Cet argent était utilisé pour construire des écoles coraniques, pour établir des maisons d’édition et pour financer l’éducation religieuse en Arabie saoudite de musulmans venant de pays où dominait une interprétation très différente de l’islam.

[…] Un schéma similaire a commencé à être mis en place en Pologne et c’est la raison pour laquelle les djihadistes n’organisent pas encore d’attentats terroristes dans notre pays. Dans ce schéma en effet, la première étape consiste à constituer une base financière et organisationnelle, et l’étape suivante vise à infecter l’islam local (en changeant son caractère de hanafite à salafiste) et à promouvoir son expansion. […] Ce n’est que quand il y a un réseau djihadiste bien implanté dans les structures de l’islam local qu’on peut passer à la troisième étape : l’activité terroriste et la remise en cause ouverte du système démocratique en vigueur.

[…] L’intérêt wahhabite pour la Pologne date de 2003, quand, après le financement de l’opération des sœurs siamoises de Janikowo par l’héritier du trône saoudien Abdallah, un Centre du Dialogue financé par les Saoud a été ouvert dans cette ville. Parallèlement, la Ligue musulmane en Pologne liée aux Frères musulmans a commencé à connaître un développement dynamique en tant qu’alternative radicale à l’Association religieuse musulmane des Tatars polonais. Les Frères musulmans viennent d’une autre tradition que les salafistes et sont en conflit avec l’Arabie saoudite, mais cela n’empêche pas leur objectif à long terme d’être le même : l’instauration d’un califat et l’imposition de la charia sur tous les territoires habités par des musulmans.
[…] Les effets de l’infiltration wahhabite en Pologne n’étaient pas visibles publiquement du fait du nombre encore faible de musulmans (env. 25 000). Malgré tout, pendant la décennie écoulée l’islam en Pologne a commencé à connaître des transformations, principalement du fait des influences saoudiennes dans l’éducation (financement de l’éducation des musulmans par l’Arabie saoudite et présence de religieux arabes nettement plus radicaux à des postes clés au sein de l’oumma polonaise). Ces transformations ont aussi été favorisées par la présence d’immigrés musulmans venant de Tchétchénie. En 2014, une nouvelle étape de l’infiltration de la Pologne par les extrémistes islamistes a commencé avec l’expansion des salafistes allemands.
[…] Selon le Bureau de protection de la constitution allemand, environ 9200 musulmans allemands appartiennent à des groupes salafistes. Cela peut paraître peu, mais la menace est en réalité énorme, d’autant plus que ce chiffre augmente très rapidement (on estimait leur nombre à 7000 début 2015). En outre, le nombre d’autres islamistes (Frères musulmans, Hizb ut-Tahrir, etc.), aux objectifs concordant avec ceux des salafistes (le djihad et l’instauration du califat), atteint 40 000. Et il ne s’agit pas d’une secte inoffensive mais d’une base logistique et idéologique active pour le terrorisme djihadiste.
[…] L’activation terroriste des salafistes a concordé avec la création en Arabie saoudite d’un ministère des affaires islamiques. La famille régnante des Saoud a décidé de canaliser de cette manière la résistance des religieux wahhabites face à la présence d’armées étrangères dans la Péninsule arabique et d’orienter leur activité vers l’exportation du djihad, plutôt que de voir naître des problèmes dans la Péninsule. De cette manière, les Saoud combattaient le terrorisme d’Al-Qaïda et des Frères musulmans sur son territoire tout en envoyant par le biais de ce ministère des flux d’argent à des organisations qui, sous prétexte d’activité caritative, soutenaient l’action terroriste contre l’Occident.
[…] La propagande djihadiste dans les mosquées salafistes, dans les réunions d’organisations islamiques et sur Internet, notamment dans des groupes de discussion fermés (de tels groupes fermés islamiques existent depuis des années en Pologne aussi) sert à convertir les musulmans eux-mêmes (de l’islam hanafite à l’islam salafiste et au djihadisme) et à soutenir le terrorisme sous différentes formes. Un des effets concrets de cette activité, c’est le fait qu’au moins mille personnes sont parties rejoindre les rangs de l’État islamique, ce qui place l’Allemagne en deuxième position après la France parmi les pays européens envoyant des djihadistes en Syrie.

[…] L’Allemand converti Sven Lau a annoncé en 2014 l’expansion salafiste en Pologne, par le biais des immigrés polonais en Allemagne qui se sont convertis à l’islam. Mais il y a encore deux canaux de liaison entre les salafistes allemands et la Pologne : les Tchétchènes et le milieu des sports de combat où il y a également beaucoup de Tchétchènes.

[…] Le milieu des Tchétchènes peut faire le lien entre les salafistes allemands et la Pologne aussi parce qu’un grand nombre de Tchétchènes résidant aujourd’hui en Allemagne sont passés par la Pologne. En 2015, des informations sont apparues sur les Tchétchènes dans les centres pour réfugiés qui y faisaient régner la terreur et imposaient la charia. Et c’est en octobre 2016 qu’a débuté le procès de quatre réfugiés tchétchènes qui collectaient en Pologne de l’argent pour l’État islamique, qui y recrutaient des djihadistes pour la Syrie et qui organisaient les soins pour les djihadistes blessés.

[…] Un autre effet de cette « coopération djihadiste » germano-polonaise a été l’activation d’immigrés polonais en Allemagne. En juin 2015, un tribunal de Düsseldorf a condamné une Polonaise de 26 ans, Karolina R., à 3 ans et 9 mois de prison pour avoir organisé une collecte d’argent à l’intention de l’État islamique avec lequel a combattu son mari, un djihadiste originaire d’Algérie. Karolina R. avait aussi poussé son petit frère, Maksymilian R., âgé de 20 ans, à rejoindre les rangs de l’État islamique où il a été tué par les peshmergas kurdes. […] Karolina R. fréquentait les milieux liés à l’Académie du Roi Fahd de Bonn. C’est-à-dire d’une école portant le nom du monarque sous le règne duquel l’Arabie saoudite a dépensé 75 milliards de dollars pour exporter le salafisme. Néanmoins, toutes les propositions pour interdire le financement d’initiatives religieuses par les institutions saoudiennes et qatari font immédiatement réagir le lobby pro-saoudien et pro-qatari achetés avec force pétrodollars. Ainsi, en juillet 2016 le premier ministre français Manuel Valls a dit envisager d’interdire le financement des mosquées françaises depuis l’étranger, mais aucune mesure n’a été prise. De même, quand en août 2014 le ministre fédéral allemand Gerd Mueller a suggéré que les djihadistes allemands étaient financés par les monarchies arabes du Golfe persique, les vives protestations du ministère des Affaires étrangères qatari ont obligé le porte-parole du gouvernement allemand à désavouer publiquement les propos du ministre. Le Qatar est en effet un actionnaire majeur de la Deutsche Bank, de Siemens et de VW-Audi.

[…] La motivation derrire l’expansion salafiste en Pologne, c’est aussi pour se créer une base logistique en vue de la préparation d’attentats en Allemagne. C’est pourquoi les salafistes n’ont pas pour le moment d’activité terroriste en Pologne, mais cela ne doit pas rassurer pour autant. À l’étape actuelle, un attentat terroriste gênerait leur consolidation favorisée par l’ignorance d’une partie de l’opinion publique et des médias. C’est cette ignorance qui permet de présenter toute critique des salafistes ou des Frères musulmans comme des attaques contre l’islam. Ainsi, au lieu de discuter de l’interdiction du salafisme en Pologne, on parle de lutte contre l’islamophobie.

Source : Defence24.pl

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