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Tribune de Thomas Piketty, directeur d’études à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales), dans laquelle il se déclare favorable à un populisme de gauche.

Tout n’est pas perdu, mais il y a urgence si on veut éviter de placer le FN en position de force.

Dans moins de quatre mois, la France aura un nouveau président. Ou une présidente : après Trump et le Brexit, on ne peut pas exclure que les sondages se trompent une fois de plus, et que la droite nationaliste de Marine Le Pen s’approche tout près de la victoire. Et même si le cataclysme est évité cette fois-ci, il existe un risque réel qu’elle parvienne à se positionner comme seule opposante crédible à la droite libérale pour le coup suivant. Du côté de la gauche radicale, on espère bien sûr le succès de Jean-Luc Mélenchon, mais ce n’est hélas pas le plus probable.

Ces deux candidatures ont un point commun : elles remettent en cause les traités européens et le régime actuel de concurrence exacerbée entre pays et territoires, ce qui séduit nombre de laissés-pour-compte de la mondialisation. Elles ont aussi des différences essentielles : en dépit d’une rhétorique clivante et d’un imaginaire géopolitique parfois inquiétant, Mélenchon conserve malgré tout une certaine inspiration internationaliste et progressiste. […] C’est malheureusement la stratégie du déni que s’apprêtent à suivre les candidats de la droite libérale (Fillon) et du centre (Macron), qui vont défendre tous deux le statu quo intégral sur le traité budgétaire européen de 2012. Rien d’étonnant à cela : l’un l’a négocié et l’autre l’a appliqué.
Toutes les enquêtes le confirment : ces deux candidats séduisent avant tout les gagnants de la mondialisation, avec des nuances intéressantes (cathos contre bobos) mais finalement secondaires par rapport à la question sociale. Ils prétendent incarner le cercle de la raison : quand la France aura regagné la confiance de l’Allemagne, de Bruxelles et des marchés, en libéralisant le marché du travail, en réduisant les dépenses et les déficits, en supprimant l’impôt sur la fortune et en augmentant la TVA, alors il sera bien temps de demander à nos partenaires de faire un geste sur l’austérité et la dette. […] Il est essentiel que cette primaire désigne un candidat qui s’engage dans une remise en cause profonde des règles européennes. ­Hamon et Montebourg semblent plus prêts de cette ligne-là que Valls ou Peillon, à condition toutefois qu’ils dépassent leurs postures sur le revenu universel et le « made in France », et qu’ils formulent enfin des propositions précises pour remplacer le traité budgétaire de 2012 (à peine évoqué lors du premier débat télévisé, peut-être parce qu’ils l’ont tous voté il y a cinq ans, mais c’est bien ce qui rend d’autant plus urgent de clarifier les choses en présentant une alternative détaillée).
Le Monde

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