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Extraits d’une entretien avec Marwan Mohammed, chercheur CNRS associé au “Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales”.
Si le mot « islamophobie » est couramment utilisé dans les instances internationales, il est contesté en France. Analyse d’un concept controversé avec le sociologue Marwan Mohammed, chercheur CNRS (Centre Maurice-Halbwachs), coauteur avec Abdellali ­Hajjat d’Islamophobie : comment les élites françaises fabriquent le problème musulman (La Découverte, 2013).

Comment définissez-vous l’islamophobie ?
Comme la construction d’une altérité musulmane essentialisée et infériorisée, dotée de caractéristiques figées. C’est sur cette base que se déploient les discours islamophobes qui sont des discours racistes. […] L’islamophobie est-elle un racisme comme les autres ?
Oui et non. Oui, dans la mesure où l’islamophobie, comme toutes les formes de racisme, se compose des mêmes ingrédients : essentialisation, infériorisation, exclusion – elle est d’ailleurs réprimée par les mêmes lois. Non, dans la mesure où, en France, la lutte contre l’islamophobie souffre d’un manque de légitimité. […] Quelle est la base sociale de l’islamophobie ?
Idéologiquement, elle est très large. A droite, elle repose sur un pilier suprémaciste et xénophobe attaché à une conception raciale, blanche et catholique de l’identité nationale. A gauche s’affirme un autre hégémonisme : il est incarné par un républicanisme assimilationniste, et par le durcissement d’un discours laïcard hostile à toute visibilité religieuse – surtout musulmane – dans l’espace public. Il faut ajouter à ces deux formes d’islamophobie une frange de l’anticléricalisme qui confond l’opposition aux pouvoirs religieux et le rejet des fidèles. Sans parler, sur un plan géopolitique, du rôle actif joué par des personnalités et des organisations très liées aux intérêts du gouvernement israélien. […] Quelle analyse faites-vous de la réception des discours islamophobes par les musulmans de France ?
Les discours islamophobes affectent beaucoup les Français de confession musulmane ou présumés tels. Ils sont nombreux à se demander si l’herbe est plus verte ailleurs. Mais ils sont avant tout conscients qu’il va falloir affronter politiquement un avenir immédiat plus qu’inquiétant, car la teneur des débats actuels nous éloigne de solutions politiques égalitaires et inclusives. Les discours islamophobes préoccupent également ceux qui sont attachés à la France des libertés fondamentales et du principe d’égalité. Ils inquiètent enfin tous ceux qui pensent que, derrière l’islamophobie, c’est le racisme, l’intolérance et la brutalité qui progressent.
Sans une issue politique, de nombreux musulmans s’inquiètent en outre d’éventuels débouchés violents.

Les rares travaux empiriques sérieux montrent que l’islamophobie au niveau national ainsi que le ressentiment généré depuis des décennies par la domination occidentale dans le monde musulman sont des composants essentiels – même si ce ne sont pas les seuls – de la propagande des terroristes.

Le Monde

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