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Tribune de Camille Landais (Professeur à la London School of Economics et lauréat du Prix 2016 du meilleur jeune économiste) sur la montée du populisme et sur les réponses, uniquement économiques, qui permettraient de la contrer.

De la victoire du Brexit au référendum à l’élection de Donald Trump, la vague populiste semble tout emporter sur son passage. Elle a mis en lumière, de façon brutale, l’énorme ligne de fracture sociale qui s’est creusée dans les sociétés développées au cours des trente dernières années.
Dans les pays anglo-saxons, cette fracture se manifeste par les inégalités de revenus et de patrimoine ; en France, elle est médiatisée par le chômage et les inégalités sur le marché du travail. Mais le constat est le même. Le revenu réel moyen des 50 % des individus les plus pauvres et en âge de travailler aux Etats-Unis a baissé de plus de 10 % depuis 1979, alors que le revenu moyen des 10 % les plus riches a augmenté de plus de 120 % ! En France, le taux de chômage des diplômés du supérieur est resté stable – autour de 5 % depuis 1980 –, alors qu’il est passé de 7,5 % à plus de 17 % pour les non-diplômés. […] Les « experts », économistes, sociologues, historiens, etc., ont-ils vraiment été incapables de voir venir cette fracture ? De proposer des remèdes ? D’empêcher la vague populiste de tout emporter sur son passage ? Il me semble que les sciences sociales dans leur ensemble ont au contraire réussi à assembler un faisceau important de preuves et à articuler depuis une dizaine d’années un vrai début d’analyse de ces lignes de fracture aujourd’hui exploitées par le populisme.
Mais cette expertise de qualité, toujours plus abondante, souffre sans doute, sous la pression des nouveaux acteurs des médias et des réseaux sociaux, du déclin de ses modes de diffusion qu’ont toujours été les médias traditionnels et le livre, seuls aptes à organiser, hiérarchiser, crédibiliser cette expertise. Plus de concurrence dans l’information mais aussi plus d’informations répondant à des intérêts particuliers ont rendu difficile ce travail éditorial : la mauvaise expertise chasse la bonne. […] Le Monde

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