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Tribune de Florence Haegel (Professeure à Sciences Po, directrice du Centre d’études européennes) sur « le tournant identitaire » qu’incarnerait la victoire de François Fillon.

Les primaires ne réussissent pas à atteindre pleinement leur objectif de revitalisation démocratique, car elles continuent d’exclure une large partie de la population.

La large victoire de François Fillon fournit deux principaux enseignements. Elle nous instruit à la fois sur les transformations des droites françaises et sur les effets de l’introduction du dispositif des primaires sur le système politique.

Que nous dit d’abord cette victoire de ce que sont devenues les droites françaises ? En sélectionnant au second tour le candidat qui incarne une tradition libérale sur le plan économique, identitaire sur le plan culturel et conservatrice sur le plan moral, les électeurs de la primaire ont entériné une reconfiguration qui s’est déroulée en trois étapes : 1981, 2007 et 2012.

En 1981, l’inflexion libérale de la droite est intervenue après l’alternance. Contre une gauche étatiste, la droite emprunte au discours libéral. En réalité, cette mue est restée largement inaboutie. […]

En 2007, l’inflexion identitaire est la réponse proposée par Nicolas Sarkozy face à la concurrence du Front national. François Fillon se glisse dans ses pas. Au soir de sa victoire, il a repris un discours de célébration de la fierté nationale et des « valeurs françaises ». […]

En 2012, l’inflexion vers le conservatisme moral est, cette fois, une riposte à François Hollande dont l’identité de gauche tend progressivement à se résumer aux réformes sociétales. La contre-mobilisation de La Manif pour tous apparaît comme un symptôme du rassemblement d’une partie de la droite, adossée aux réseaux catholiques, pour la défense d’un ordre familial et moral. François Fillon a fait le choix dans cette primaire de s’inscrire dans cette ligne, en faisant par là même sa particularité. […]

Le nouveau candidat présidentiel a été désigné par un électorat de personnes âgées largement issues des couches les plus favorisées de la population. L’élargissement de l’assise électorale ne s’accompagne pas d’un élargissement des profils sociaux ; les jeunes et les catégories populaires demeurent absents de cette procédure de sélection.

Ce constat valait également pour la primaire de la gauche en 2011 puisque, là aussi, les électeurs de la primaire apparaissaient comme les clones sociaux des adhérents du Parti socialiste. Lors de la campagne de la primaire de la droite et du centre, les candidats se sont principalement adressés à leurs clientèles traditionnelles, les chefs d’entreprise, les professions libérales. […]

Le Monde.

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