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Editorial d’Alexis Brézet, Directeur des rédactions du Figaro.

C’est un ouragan qui emporte tout. Les calculs des sondeurs et les prévisions des experts. Le confort des élites intellectuelles et les certitudes des milieux d’affaires. La suffisance des hommes politiques et l’arrogance des médias. Une lame de fond dont la brutalité coupe le souffle. Un raz de marée sidérant dont l’onde de choc n’épargne pas nos rivages. Dans tout l’Occident, les peuples sont en colère. Nous avions choisi de ne pas le voir. Depuis la victoire de Donald Trump, nous ne pouvons plus faire semblant.

Dieu sait pourtant que nous nous sommes bouché les oreilles et voilé les yeux! Les Américains, nous disait-on, n’allaient certes pas confier leur destin à ce clown, cet histrion… La première puissance économique et militaire de la planète ne s’abandonnerait pas aux pulsions populistes, forcément populistes, d’une poignée d’électeurs réputés racistes et supposés incultes…

Sur fond de chômage galopant et d’islam conquérant, l’injonction multiculturaliste, en Amérique comme en Europe – vertigineux parallèle -, est vécue comme une provocation.

[…]

Colère «blanche», au sens littéral du terme? Sans aucun doute, c’est l’alliance de la middle class et des poor white trash qui a fait la victoire de Donald Trump. Mais gare à la caricature! Plus de 40 % des femmes ont voté pour Trump, plus d’un tiers des Latinos et 12 % des Afro-Américains. Les électeurs qui ont voté Trump n’ont pas obéi à un quelconque déterminisme «identitaire», ils ont tout simplement voulu dire leur colère d’habiter – de plus en plus mal – un pays qui se défait.

Cette réalité, l’Amérique officielle n’a pas voulu la voir, pas plus que nous n’avons, en Europe, tiré les leçons des signes avant-coureurs de ce grand ébranlement. Le «non» des Français au référendum de 2005 sur la Constitution européenne? C’était un regrettable coup du sort! Le Brexit, au Royaume-Uni ? Un malheureux accident! Comment, pourtant, ne pas y entendre ces mots, interdits par la bienséance politico-médiatique, qui résonnent aujourd’hui de l’autre côté de l’Atlantique ? Protection, frontières, identité culturelle, conservatisme… Partout ce sont les mêmes armes brandies contre les élites des grandes villes par le petit peuple de cet «Occident périphérique», dont des chercheurs comme Christopher Lasch aux États-Unis ou Christophe Guilluy en France ont dessiné les contours. […]

Défaite aussi du politiquement correct, cette police des mots, des comportements et de la pensée, dont les oukases – de batailles pour les toilettes «neutres» en refus persistant de Barack Obama de nommer l’islamisme radical – avaient fini par prendre des proportions délirantes aux États-Unis. Jusqu’à l’outrance, Donald Trump a fait de la liberté d’expression un de ses chevaux de bataille. Dans sa victoire, cette idée qu’il faut pouvoir appeler un chat un chat n’a pas peu compté.

Défaite enfin du multiculturalisme, cette «nouvelle religion politique» (Mathieu Bock-Côté) qui inverse le devoir d’intégration (puisque c’est celui qui accueille qui doit s’accommoder aux diversités). […]

Parce qu’il n’est pas du sérail, parce qu’il n’est prisonnier d’aucun tabou, Donald Trump a su mettre ses mots sur des sentiments que les autres ne voulaient pas nommer. […]

Le Figaro

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