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Dans son dernier livre, Nicolas Beau observe l’ascension sociale de personnalités issues des banlieues mais qui ont souvent tourné le dos à leurs origines.

Marianne : Dans votre livre, vous racontez avec force anecdotes le parcours des Beurs qui se sont hissés jusqu’au pouvoir. Ont-ils un parcours commun ?

Nicolas Beau : Peut-être. Même si ce n’est pas si net. Leurs points communs : la communication ou l’associatif. Pour le reste, certains arrivent par la gauche, d’autres, par la droite, certains sont passés par le business, comme Alexandre Djouhri, d’autres ont fait carrière au PS, comme Kader Arif. Certains ont fait des études supérieures, comme Rachida Dati et Najat Vallaud-Belkacem, d’autres sont passés par l’école de la rue, comme Ramzi Khiroun. En revanche, ils ont le même dynamisme, la même force de caractère, le même sens du bluff. Leur culot leur a permis de percer un monde politique marqué par l’individualisme. Ce sont des aventuriers, comme leurs parents. Durant les Trente Glorieuses, ces derniers ont traversé la mer, pris des risques, quitté leur pays pour s’installer en France. Les filles et les fils ont la même énergie, ils veulent leur part du gâteau. Ils vont fuir les cités de leur enfance.

Ont-ils servi leur communauté ?

Au bout d’un an de travail, il a fallu que je me rende à l’évidence, le bilan est très, très limité, voire désastreux. En trente ans, les «beurgeois» n’ont pas contribué à changer en profondeur la situation des banlieues auxquelles ils ont tourné le dos, obsédés qu’ils étaient par leur propre survie.

À qui la faute ?

Aux hommes politiques sûrement. Chirac, Sarkozy ou Hollande ont utilisé ces Beurs de service sans les initier aux métiers de la politique. Mais les beurgeois ont aussi leur part de responsabilité. Ils doivent leurs succès à leur plasticité. Ils comprennent l’air du temps et savent en jouer. Rachida Dati, par exemple, a mis en place une des politiques les plus répressives de ces trente dernières années. Mais le pire n’est pas là, certains ont tourné le dos à leurs origines. Ramzi Khiroun, par exemple, a refusé de participer à ce livre. Devenu «français, point barre», il ne se sent plus du tout beur. Adieu, Sarcelles, vive la Légion d’honneur offerte par François Hollande.

À la lecture de votre livre, on a l’impression que la droite parlementaire a été plus favorable à leur promotion que le PS.

La droite ? Non, un homme, Nicolas Sarkozy. La promotion des banlieues a été un temps sa grande obsession. Fasciné par le modèle américain, il a été contre l’interdiction du voile à l’école, il a été favorable au communautarisme. Cette phase a duré longtemps, mais aujourd’hui qui se souvient que Sarkozy est à l’origine de l’assouplissement de la loi sur la double peine, alors que son successeur a soutenu la déchéance de nationalité ? Personne car, en dehors de cette parenthèse, c’est «kif-kif bourricot». Lui-même a dû l’oublier. Avec ironie, Azouz Begag le rappelle à qui veut bien l’entendre : «La droite ne nous aime pas parce que nous sommes arabes, la gauche, parce que nous sommes musulmans.»

Vous affirmez que l’islam est devenu l’ultime boussole de certains quartiers. Pensez-vous que Tariq Ramadan, «le BHL des banlieues», aura le même destin que ses prédécesseurs en politique ?

C’est bien trop tôt pour le dire. Il a peut-être l’avantage de ne pas venir des banlieues et semble moins fasciné par la réussite individuelle.

Marianne

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