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En marge des réseaux organisés, des habitants des environs de la « jungle », risquent gros pour aider des migrants à traverser la Manche. Comme Béatrice, qui s’est improvisée passeuse par amour.

La scène qui s’est jouée le 11 juin, sur la plage de Dannes, immense étendue laiteuse nichée au nord des maisons huppées du Touquet-Paris-Plage, est digne d’un mélodrame. Il est 4 heures du matin, la mer est calme, la marée haute, Béatrice étreint Moxtar. « Je t’aime, je te vois bientôt », lui murmure-t-il dans son anglais sucré de professeur iranien. « Adieu, je ne te reverrai plus », répond-elle en retour, avec ses intonations du Pas-de-Calais, et l’approximation d’une langue apprise un mois plus tôt.

A leurs côtés flotte un petit bateau bleu et blanc, floqué Libertad, prêt à embarquer Moxtar et ses deux autres compagnons, tous équipés de cannes à pêche pour mieux se fondre dans le décor. Béatrice est persuadée qu’ils ne s’en sortiront jamais. (…)

Il faut faire vite. Leur curieux manège pourrait alerter les trois pêcheurs qui ont lancé leur ligne un peu plus loin. Les Iraniens démarrent le moteur de l’embarcation, et s’enfoncent dans la nuit, la Manche, et son rail maritime le plus fréquenté au monde. Béatrice reste sur la plage, veut attendre de n’apercevoir plus qu’un point à l’horizon, mais Laurent, qui l’accompagne, s’y oppose fermement. Trop dangereux. Il ne faudrait pas que la police les surprenne ici.

Dans la précipitation, ils abandonnent la remorque du bateau dans l’eau. Le jour pointe à peine lorsque Béatrice dépose Laurent devant la porte de son petit logement défraîchi de Dannes, et reprend la route. Le khôl de ses yeux bruns coule doucement, sa longue chevelure noire s’emmêle […]

Le Monde
Merci à la fraternité des garçons ivres

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