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21/10/2016

Des polémiques sont apparues concernant la rapidité d’intervention des secours… C’est probablement la raison pour laquelle j’ai voulu écrire ce témoignage. C’est un témoignage pudique, fort mais réel. Il était important pour moi de dire la vérité pour faire taire certaines polémiques, pour répondre à des questions, à des doutes que les familles des victimes notamment peuvent avoir. Je comprends qu’il y ait des doutes et je pense que la meilleure façon de faire cesser certains fantasmes, en particulier médicaux, c’est de témoigner et c’est ce que j’ai voulu faire dans ce livre.


16/10/2016

Le Dr Matthieu Langlois, 46 ans, méde­cin-chef du Raid, a été dépê­ché en plein cœur du brasier, au Bata­clan, où trois terro­ristes ont provoqué un bain de sang. Lorsque l’as­saut des forces de l’ordre a été lancé, il était avec ses hommes en première ligne. Il a ainsi décrit, étape par étape, ce qu’il a vu et fait ce soir-là. Offrant ainsi une vision inédite des événe­ments, un témoi­gnage à vif sur l’hor­reur*.

« Nous avons beau anti­ci­per des scena­rii de ce type, l’entrée dans le Bata­clan n’en reste pas moins une véri­table épreuve. Un cauche­mar », résume-t-il d’em­blée. La scène qui s’offre à ses yeux est d’une cruauté insup­por­table. Les cadavres jonchent le sol, les autres personnes présentes sont bles­sées, para­ly­sées par l’horreur. Mais le Dr Langlois affirme que « sans ce choc émotion­nel », il n’au­rait « peut-être pas été capable de (se) surpas­ser, en tout cas de trou­ver les ressources physiques, psycho­lo­giques et mentales néces­saires pour mettre en pratique » ce qu’il a appris au fil des années.

Et ce, même si ce qu’il découvre « est au-delà de tout ». Après avoir enjambé les victimes, il a hurlé à celles encore capables de se dépla­cer de venir vers lui, pour effec­tuer un premier tri. « Je n’oublie­rai jamais la scène qui a suivi, se remé­more-t-il. Je vois de rares bras se lever. Quatre, peut-être cinq. Je croise des regards, un en parti­cu­lier, celui d’un homme devant moi, qui m’implore de le sauver. Personne n’a bougé, à mon appel. Personne ne s’est redressé pour marcher vers nous ».

Il a donc été contraint d’al­ler cher­cher les hommes et femmes prison­niers du piège « un par un ». Très vite, le méde­cin-chef du Raid constate : « Les choses sont nettes. Il y a ceux qui sont déjà ‘blancs’, morts sans aucun doute possible, et les autres ». Le tout est alors de garder son sang-froid et de mettre en place une orga­ni­sa­tion pour abri­ter ou main­te­nir en vie ceux qui respirent encore. Dans un temps très court. […]

Mais demeure un autre problème : « Pour sortir, ces victimes doivent repas­ser sur la scène. En débou­chant de l’esca­lier, notre petit groupe tombe sur la tête du terro­riste dont le gilet bourré d’explo­sifs a sauté lorsque ce commis­saire de la brigade anti-crimi­na­lité l’a neutra­lisé par un tir héroïque, avant notre arri­vée sur les lieux. Juste la tête, déta­chée des autres parties du corps, qui gisent non loin.

Et c’est loin d’être la seule vision d’horreur qu’on inflige à ces bles­sés que l’on vient d’extir­per de leur cachette. Il nous faut aussi enjam­ber des corps, si bien qu’à un moment, comme par réflexe, je place ma main gantée sur les yeux du garçon que je trans­porte. Je veux lui épar­gner ce cauche­mar, mais en voulant l’empê­cher de voir, je lui étale du sang sur la figure. Quand je comprends mon erreur, son visage est déjà maculé ».

Les efforts du Dr Matthieu Langlois et de ses coéqui­piers du Raid ont permis de sauver des dizaines de vies le 13 novembre. Malheu­reu­se­ment, des dizaines de bles­sés par balles ont fini par succom­ber à leurs bles­sures quelques heures ou jours plus tard. […]

VSD

*Méde­cin du RAID. Vivre en état d’urgence , de Matthieu Langlois, Albin Michel, 200 p.

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