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Laïcité « ouverte », laïcité « positive », laïcité « républicaine », « nouvelle laïcité » : depuis que la question de l’islam a envahi le débat politique, le mot laïcité est souvent utilisé sans que l’on en définisse clairement les contours. Pour y voir plus clair, Jean Baubérot, ancien titulaire de la chaire Histoire et sociologie de la laïcité à l’Ecole pratique des hautes études, revient sur les débats qui ont entouré, en 1905, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat – et sur la postérité de ce texte “fondateur de la République française”.

Les débats d’alors [en 1905] présentent beaucoup d’analogies avec les nôtres.

Dans certaines prisons de femmes, les bonnes sœurs, qui sont fonctionnaires publiques de l’administration pénitentiaire, travaillent en habit de bonne sœur et cela ne choque personne.

[…]

Face à cette « nouvelle laïcité », vous plaidez pour une laïcité « apaisée ». Quelles sont ses réponses face à l’islamisme ?

La situation internationale est extrêmement difficile, bien sûr : la France doit désormais compter avec des ennemis déclarés. Mais la stratégie autoritaire qui a été adoptée par le premier ministre, ­Manuel Valls, risque de conduire beaucoup de musulmans, et pas seulement les radicaux, à se méfier de cette république intransigeante et ­excluante. Les discours autoritaires risquent de leur faire écouter les sirènes des ennemis de la République. Il vaudrait mieux adopter la stratégie inclusive choisie lors de la loi de séparation de 1905 : elle tentait au contraire de rallier à elle les catholiques qui n’étaient pas des militants antirépublicains. […]

Il faudrait en outre adopter une laïcité égalitaire. On ne peut pas à la fois soutenir les caricatures de Charlie Hebdo et dire que les religions doivent être discrètes dans l’espace public. Si l’on exige la discrétion des convictions religieuses dans l’espace public, il faut aussi exiger la discrétion des expressions antireligieuses. Le premier choix à faire, c’est donc celui de l’égalité – liberté pour les caricatures, liberté pour les femmes voilées ou les propos religieux.

Cette règle d’égalité s’impose également pour les limitations posées à l’ordre public démocratique : elles doivent être les mêmes pour toutes les religions. Si l’on interdit le voile dans l’espace public, il faut aussi interdire la kippa et la soutane – en ayant conscience que, dans cet engrenage, les libertés seront menacées.

Le problème, au fond, c’est qu’au lieu de réfléchir posément aux enjeux de la laïcité, on fait comme si certains Français étaient tombés tout petits dans la laïcité comme Obélix dans la potion magique – ils défendraient toujours les valeurs démocratiques et l’égalité hommes-femmes –, alors que les musulmans, eux, devraient en ingurgiter régulièrement quelques cuillerées parce qu’ils ne sont pas naturellement laïques. Comment voulez-vous vous sentir un citoyen comme les autres quand on vous reproche en permanence d’être un mauvais républicain ?

Le Monde

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