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Tribune d’Alain Genestar (directeur de Polka Magazine) sur l’invitation de Jérôme Kerviel, Bernard Ménard et Patrick Buisson.

Je m’autorise en tant que téléspectateur, par ailleurs journaliste donc professionnellement curieux d’en savoir un peu plus, à demander à la télévision publique, la seule qui, en ma qualité de citoyen, me doit des explications et des comptes, de me dire comment, sur quelle base et selon quel savant dosage est composé le casting des émissions politiques, dont la plus emblématique d’entre elles, si emblématique qu’elle porte fièrement le nom de « l’émission politique » ? […]

Sur quelle justification, que j’imagine conforme aux impératives missions d’équilibre politique du service public, a donc été décidé d’inviter jeudi soir 6 octobre, face à Alain Juppé, deux personnages d’une exemplarité disons contestable, à savoir un ancien trader de la Société Générale empêtré dans une affaire ubuesque dont il est au mieux le dindon naïf, au pire l’instigateur cynique, Jérôme Kerviel, et le maire extrême droite de Béziers, Bernard Ménard [il s’agit en fait de Robert Ménard], ancien responsable de l’association « Reporters Sans Frontières » où il mena avec nous de beaux combats pour la libre expression avant de déraper dans l’ornière d’un populisme gouailleur ? […]

Serait-on dans notre pays dont la culture et l’amour envers les choses de l’esprit sont enviés au-delà des océans, à ce point en manque d’hommes et de femmes de haute stature intellectuelle, de belles expériences de terrain, de moralité admirable ? N’y aurait-il personnes d’autres pour représenter, dans une émission de télé, le monde compliqué de la finance et la dure réalité à laquelle sont confrontés les élus locaux, qu’un Kerviel ou un Ménard ? Qui a décidé d’un casting aussi médiocre ? […]

Après ces deux heures dont Alain Juppé s’est plutôt bien sorti y compris face à ses deux étonnants contradicteurs, les téléspectateurs épris de politique pouvaient enchaîner avec le programme suivant, lui aussi de référence dans la sphère exigeante des grandes émissions d’info : « Complément d’enquête ». Et cette fois l’invité vedette, installé confortablement dans l’un des deux célèbres fauteuils rouges, en fut Patrick Buisson. L’ex-conseiller discret, devenu soudainement bavard pour raison littéraire, du président Sarkozy, l’ancien directeur de « Minute » et de « Valeurs Actuelles », était venu faire la promo de son livre en assénant ses jugements sur la politique et la société française à des téléspectateurs qui pouvaient sincèrement se demander quelle mouche populiste avait donc piqué France 2 pour réunir, en une seule soirée, un tel casting !

Le Monde

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