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L’ancienne juge antiterroriste a estimé que les risques d’attentats pourraient devenir exponentiels. Selon elle, la France pourrait s’inspirer du système judiciaire italien pour y faire face.

Alors que les affaires liées au terrorisme se multiplient, le système judiciaire français est-il suffisant pour y faire face? Béatrice Brugère, ancienne juge antiterroriste, est allée rencontrer nos voisins italiens pour comparer les structures mises en place. La secrétaire générale du syndicat des magistrats FO a expliqué comment il serait judicieux de s’en inspirer. Voici en trois questions son éclairage sur la situation actuelle et les améliorations possibles.

Quel est l’état des lieux?

J’ai vu une polémique qui enfle sur des chiffres avec des pourcentages exponentiels sur l’activité terroriste. Ils sont dus en partie à ces retours de Syrie qui font un contentieux de masse.

La justice antiterroriste est centralisée à Paris pour la majeure partie des faits. Actuellement, elle arrive à faire face mais au prix d’efforts quasiment surhumains. Il n’y a pas que le parquet et le juge d’instruction. Il y a toute la chaîne pénale qui suit, les chambres de jugement jusqu’à l’application des peines. Cela fait une grosse masse de contentieux à absorber.

A cela s’ajoute le choix de procédural du procureur de la République. Ce qui était jusqu’à présent surtout en délit en association de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes passerait, pour les faits les plus graves, sur une procédure criminelle. Cela a des avantages mais aussi des inconvénients, c’est une cour composée uniquement de magistrats.”

Le système peut-il tenir?

“Si on fait une photographie à l’instant t, on arrive à faire face. La question, c’est demain. Cette progression ne cesse de s’accélérer. Les chiffres sont assez effrayants, sur le premier semestre, avec une progression entre 60% et 70% d’affaires. Si on continue à cette vitesse, il va y avoir un problème. De plus les magistrats sont exténués. Ils sont des super héros aujourd’hui mais combien de temps peuvent-ils tenir?

Aujourd’hui le système a montré ses preuves. Il fonctionne aux forceps parce que toute la chaîne pénale se sent investie d’une mission de service public. Si on regarde un peu plus loin devant nous, il faut anticiper ce que pourrait devenir cette nouvelle menace exponentielle.”

Quelles sont les évolutions souhaitables?

Si on ouvre le débat, il est intéressant de voir ce qu’ont fait nos voisins italiens. Leur système est intéressant. Ils ont une vieille tradition de lutte anti-mafia et antiterroriste. Il a y une réflexion à faire en France sur les liens possibles et existants sur la criminalité organisée et le terrorisme. Aujourd’hui, ces deux secteurs sont totalement séparés.

Les Italiens ont lié les deux. Ils ont une approche territoriale beaucoup plus fine parce qu’ils ont beaucoup travaillé dessus. Tous les parquets en Italie ont une section antiterroriste et anti-mafia. Une section nationale de coordination supervise l’ensemble.

En France, il faut décliner aussi de manière régionale. Paris ne peut pas tout centraliser. La capitale garde ce qui est le plus important comme les attentats. Si on se projette demain avec des attentats multiples voire des micros-attentats ou des voitures piégées, on aura de grands difficultés à couvrir depuis Paris tout ce territoire.

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