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Interview de Régis Debray dans Le Figaro. Dans “Allons aux faits, Régis Debray” livre une méditation sur l’Histoire et la sacralité.

Le djihadisme, puisqu’on ne se pose qu’en s’opposant, c’est l’adversaire idéal pour faire le point sur ce que nous sommes et que nous devrions tenir à rester. Il y a deux façons de mourir pour une culture : des mains de l’ennemi ou par absence d’ennemi. La tranquillité endort, les agressions réveillent. À quelque chose malheur est bon, si vous me permettez une lapalissade.

Devant les attaques terroristes que la France a subies, reprenez-vous à votre compte le lexique de la guerre ?

Ce lexique me semble proche d’un déni de réalité, même si sonner le tocsin permet au politique de serrer les rangs et faire son Clemenceau à bon compte. Et au médiatique, de faire monter la tension pour retenir l’attention. Soixante-dix ans de paix intérieure nous ont fait perdre le sens des proportions. La guerre, ce sont des massacres, des bombardements, des atrocités : 25 000 victimes en un jour le 26 août 1914 et Raymond Poincaré ne sort pas de son bureau. 250 victimes en un an pour ce qui nous est présenté comme la troisième guerre mondiale… Je suis peut-être mal informé, mais je ne vois pas nos frontières menacées, ni l’intégrité du territoire en péril ni un Rommel islamiste à l’horizon. Restons modestes. Il y a un état de violence épidémique et sporadique. Une forme hybride d’hostilité, cristallisée militairement au Proche-Orient et rebondissant chez nous par des actes isolés de sauvagerie. Cela exige une bonne police et des ordinateurs un peu malins. M. Cazeneuve y veille. Ne forçons pas notre talent.

Pourtant l’EI nous a déclaré la guerre ?

Les mégalomanes n’ont pas toujours les moyens de leurs fins, en l’occurrence convertir sept milliards d’humains au salafisme dur, vaste programme. […]

Pas de guerre de religion non plus ?

Cela désigne un affrontement entre confessions. Il faut être deux. Catholiques contre protestants au XVIe siècle, le pape contre Saladin au XIIe. Je vous rappelle que le Vatican, aujourd’hui, relègue les violences terroristes très loin derrière (je cite le pape François) : « le premier des terrorismes en Occident » est celui « de l’argent ». Et le recteur d’al-Azhar condamne, de son côté, les successeurs de la secte des Assassins. La composante religieuse, on la retrouve dans tous les conflits depuis 3 000 ans, y compris dans nos guerres athées. Si la notion néomédiévale de guerre sainte peut s’appliquer, c’est plutôt à l’affrontement entre sunnites et chiites. […]

Est-ce un « choc de civilisations » ?

Le choc est d’abord à l’intérieur de la civilisation islamique, qui fait mille fois plus de victimes que chez nous. On ne voit aucune capitale dans l’aire arabomusulmane qui soutient officiellement une guerre contre la nôtre. Côté Washington, par contre, où la théologie de l’histoire se porte bien, on ne répugne pas toujours à l’idée de Croisade. […]

Le Figaro

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