Fdesouche

03/10/2016

Tribune publiée par Libération le 3 septembre 2012 et signée par Mouloud Achour, journaliste, Félix Marquardt , fondateur des Dîners de l’Atlantique et des Submerging Times Dinners et Mokless, rappeur, auteur interprète, membre du groupe Scred Connexion.

Jeunes de France, ceci n’est pas une incitation à l’évasion fiscale mais à l’évasion tout court. Comme on dit au Maghreb et dans les quartiers les plus défavorisés de France, vos aînés vous prennent pour des ânes sans oreilles («khmar bla ouinedine»). Leurs beaux discours dissimulent de plus en plus maladroitement une vérité bien embarrassante: vous vivez dans une gérontocratie, ultracentralisée et sclérosée, qui chaque jour s’affaisse un peu plus.

Comment qualifier autrement, en 2012, une société où une élite de quelques milliers de personnes, dont la moyenne d’âge oscille autour de 60 ans, décide d’à peu près tout ?

Comment qualifier autrement un système qui, depuis maintenant plus de trente ans, s’accommode du fait qu’un jeune sur quatre, quasiment, se trouve au chômage (dans bon nombre des quartiers évoqués plus avant, c’est même plutôt un sur deux) et dans lequel, de manière générale, on renâcle encore à confier des responsabilités d’encadrement à qui que ce soit de moins de 40 ans, voire de 50 ans ? Sachez-le.

Une société qui traite sa jeunesse de pareille manière est une société en déclin. Droite ou gauche, politique de rigueur ou de relance, le seul enjeu de nos jours est de savoir si l’an prochain nous connaîtrons une croissance du PIB de 0,5% ou de 1% et si le taux de chômage sera en deçà ou bien au-dessus de 10% – et ces chiffres, déjà affligeants, s’aggraveront dans les années qui viennent, soyez-en sûrs.

Le roi est nu et la triste réalité est là : pour la première fois depuis bien longtemps dans cette partie du monde, une génération au moins – la vôtre – vivra, vous le pressentez d’ailleurs, moins bien que la précédente. N’en déplaise à certains, cette donnée fondamentale n’est pas le fruit d’un complot ourdi par les riches et les puissants de la planète, en proie qu’ils sont à des luttes de pouvoirs et d’ego qui les occupent bien assez entre eux.

Par-delà les chocs qui font tanguer le navire planétaire, un grand rééquilibrage est à l’œuvre : pour la première fois depuis cinq cents ans, des hommes blancs d’un certain âge, issus d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord, ne président plus seuls – ce sera de moins en moins le cas – aux destinées du monde. Il suffit de passer quelques jours, voire quelques minutes, à Istanbul, Djakarta, Mumbai ou São Paulo pour en prendre conscience. Et quelques minutes de plus pour réaliser que ce n’est que justice. Et que, trop souvent, ceux qui prétendent défendre les intérêts des classes populaires en France le font sans une pensée pour les 3 milliards d’êtres humains qui vivent avec 2 dollars par jour ou moins… Ce qui, si le progressisme est encore un humanisme, est au mieux illogique, au pire rien de moins qu’immoral.

Grandissant dans la France des Trente Glorieuses, vos aînés ont connu un âge d’or. Aujourd’hui c’est au tour des Brésiliens, des Chinois, des Sénégalais et des Colombiens, chacun avec leurs problèmes et défis, bien évidemment, mais unis par cette foi en l’avenir qui caractérise les puissances en devenir.

Jeunes de France, barrez-vous, sinon pour vous du moins pour vos enfants . Votre salut est, littéralement, ailleurs. Non pas dans la fuite, en quittant un pays dont les perspectives économiques sont moroses, mais en vue de vous désaltérer et de vous réinventer pour revenir riches d’expériences nouvelles, imprégnés de la créativité et de l’enthousiasme qui fleurissent aujourd’hui aux quatre coins du monde, ayant fait les rencontres qui vous changeront avant que vous n’en fassiez profiter la France.” […]

www.barrez-vo.us


02/10/2016

Mouloud Achour est un journaliste. A la télévision, il anime l’émission Le Gros Journal sur Canal+. Fondateur de la revue Téléramadan par laquelle il porte le projet de “remplacer le bruit par la parole“. Dans l’émission L’instant M sur France Inter, il explique sa volonté: apporter une diversité véritable au sein du P.A.F. en donnant la parole aux pauvres et aux jeunes.

Nous sommes le Grand Remplacement. Sûrement pas celui que les fous peuvent fantasmer. Nous sommes un grand remplacement naturel, celui d’une génération face aux « autres », du cycle de la vie. Nous sommes le présent. Nous sommes le Grand Remplacement d’un système archaïque, qui ne nous parle plus et qui ne nous a jamais considéré comme ses enfants.

Nous sommes radicaux dans nos idées : nous irons au bout de la beauté. Nous écrirons quand vous voudrez qu’on se taise, et nous nous battrons quand vous aurez décidé qu’il est l’heure qu’on s’endorme. Nous reprendrons notre place, prise par ceux qu’on autorise à penser. Nous ne voulons parler qu’en NOTRE nom. De NOS gouts et de NOS couleurs. Nous sommes le Grand Remplacement d’une génération qui s’active sur internet pour contrer les coups bas. D’artistes, seuls au front, pour porter tous les combats. De révoltés d’une société qui ne sait plus se regarder dans les yeux et écouter les cœurs qui battent.

L’objet que vous tenez entre les mains a essuyé les déconvenues, les hésitations, les critiques qu’il fallait entendre, puis oublier. Il est né d’un long processus, comme on crée une œuvre, comme on écrit une musique ou comme on bâtit une maison. Il fallait que nos truelles soient affûtées et notre ciment rugueux. Nous n’avions pas peur de créer des réactions puisque nous n’avions été que cela jusqu’ici : il fallait réagir aux approximations et aux humiliations diverses. Tous les jours, nous devions entendre « islam » à la télévision. Nous devions accepter « les débats » qui n’allaient nulle part ailleurs. Nous devions comprendre que « l’islamophobie » n’existait pas et que certains hommes politiques voulaient radier les musulmans de l’espace public. D’ailleurs, nous devions éviter de dire « musulman » pour ne pas effrayer les effarouchés.

Téléramadan est né de ces frustrations. De ces « analyses » qui n’apportaient aucune réflexion à longueur de journaux. De ces chaînes de télé qui comblaient le vide par l’hostilité. De ces mots qu’on lançait comme des bombes pour faire sursauter les âmes. Mais au fond, qu’est-ce qu’allait apporter Téléramadan ? Des questions surement, quand le monde a l’impression d’avoir des réponses à tout. Des textes littéraires quand on nous promettait que la poésie était morte et que, désormais, nos nuits dureraient aussi longtemps que le ramadan. Des entretiens qui n’apporteraient pas la vérité, des reportages qui demanderaient qu’on les lise plusieurs fois alors qu’on avait pris l’habitude de lire en travers.

Téléramadan est donc une revue de notre temps. Nous revendiquons le « nous » parce qu’il n’est pas une porte fermée, mais une porte ouverte à tous ceux qui voudront bien entrer et danser avec nous. Nos danses sont nos mouvements, mais aussi nos questionnements, nos écritures, nos engagements.

Il est temps de grand-remplacer ce présent qui nous oppresse, qui nous divise. Nous voulons grand-remplacer le désespoir par un idéal : l’écoute et la réflexion. Téléramadan n’est pas une démarche militante. C’est une démarche politique qui passe par la littérature, le regard et la poésie.

Laissez-nous la naïveté de dire qu’on est les potes de personne, mais les frères de tout le monde.

Bismillah.

— Mehdi Meklat, Badroudine Said Abdallah et Mouloud Achour.

Facebook

Merci à alexkurt14

Fdesouche sur les réseaux sociaux