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Pour le journaliste François Reynaert, il est grand temps de forger à la France, “diverse, métissée”, une identité pour le XXIe siècle. Une histoire qui lui ressemble.

François Reynaert a publié “Nos ancêtres les gaulois et autres fadaises” en 2010.

La population française, diverse, métissée, n’est plus la même. Le monde n’est plus le même. La France, engagée dans l’Europe, est unie avec ses ennemis d’hier. Il est grand temps de lui inventer une histoire qui lui ressemble, plutôt que de lui refourguer celle qui est morte en 1914.

M. de Villiers, en rachetant au printemps un anneau censé lui avoir appartenu, avait préempté Jeanne d’Arc. M. Fillon, dans son discours de Sablé-sur- Sarthe (28 août), s’est rabattu sur Clovis et son baptême qui, selon lui, marque les débuts de “quinze siècles d’Histoire de France”. Et ce côté petit joueur a permis à M. Sarkozy de lui renvoyer cinq cents ans dans la figure en exhumant “les Gaulois”, nos ancêtres bien connus. […]

Bien sûr, il faut s’intéresser à l’histoire. Mais à quelle histoire ? Toute la question est là, et de toute évidence, nos amis néo-identitaires ne se la posent même pas. C’est le drame de la droite, atteinte de cette maladie qu’on pourrait appeler le fixisme.

De même que le lecteur du “Figaro magazine” est persuadé que l’homme a été créé avec un pantalon de velours et la femme avec un serre-tête grenat, les candidats Les Républicains ne doutent pas un instant qu’il existe une histoire de France “de toujours”, avec ses intangibles héros, ses bons rois et ses frontières sorties du fond des âges. S’ils lisaient de vrais historiens plutôt que les numéros spéciaux de “Valeurs actuelles”, ils sauraient au contraire que rien n’est plus fluctuant que le passé : chaque période fabrique le sien.

Le XIXe siècle est celui de l’affirmation nationale, il s’agit donc de prouver que la nation française sort du fond des âges. Ainsi Clovis, un guerrier germanique né dans ce qui est aujourd’hui la Belgique, devient-il un “roi de France”, tout comme Charlemagne, régnant pourtant de l’Ebre à l’Elbe, couronné “empereur des Romains” à Rome, et vivant à Aix-la-Chapelle. […]

Cette mythologie, au pinacle au début de la IIIe République, est savamment propagée par l’école et c’est ainsi qu’elle se diffuse, et aide à asseoir le régime. Elle a eu sa grandeur et sa force. Même les générations qui ne l’ont pas apprise s’en souviennent encore, c’est dire son efficacité pédagogique. Elle a assis la cohésion du pays, ce qui n’est pas rien. […]

Le Nouvel Obs

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