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Tribune de Mehdi Ouraoui, enseignant à Sciences-Po Paris et Pierre Singaravelou, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne sur le “grand séparatisme identitaire”.
Mehdi Ouraoui est également membre du conseil national du Parti Socialiste. Bureau fédéral PS64 [NDLR].

Au lieu de diviser les citoyens avec l’identité, la gauche doit les rassembler autour d’un projet original, radical, mais surtout commun. La droite veut inscrire nos «racines chrétiennes» dans la Constitution (oubliant au passage Vascons, Grecs, Romains, Celtes, Gaulois et tant d’autres) ? Que la gauche inscrive la Sécurité sociale à l’article 2, parmi nos symboles nationaux, pour dire au monde : la France est fière de son projet de société.

La France du XXIe siècle ne peut pas être la nostalgie d’une identité fantasmée, elle doit être un grand projet partagé par tous ses citoyens, avec le monde.


Le péril le plus imminent pour notre pays est le grand séparatisme identitaire. Objectif affiché du terrorisme islamiste autant que de l’extrême droite nationaliste, tentation d’une partie de la gauche et de la droite républicaines, cette fracture ethnique n’a jamais eu autant de porte-voix politiques, médiatiques et intellectuels. En apparence, deux courants de pensées s’affrontent, assimilation contre multiculturalisme, qui, en réalité, théorisent la même dangereuse séparation.
Les assimilationnistes commandent une conversion culturelle totale mais n’ont subitement plus la même exigence dès qu’il s’agit d’égalité politique, sociale et économique. Les multiculturalistes, dans une tolérance toute paternaliste, compensent par le droit à la différence un demi-siècle d’échec du droit à l’égalité pour les enfants de l’immigration africaine et maghrébine. Les uns, brandissant l’insécurité culturelle ou le grand remplacement, trient entre bons et mauvais Français. […] Face à cet esprit d’apartheid qui a gagné la droite et parfois ses propres rangs, qu’a fait la gauche de son universalisme ? Pourquoi ne dénonce-t-elle pas ces élites dévoyées, coupées d’une France qui n’attend pas d’elles de définir son identité mais d’inventer un projet pour l’avenir ? Ne voit-elle pas l’urgence de renouer avec le patriotisme constitutionnel de Jürgen Habermas, qui nous lie moins par une souche identitaire que par le partage de valeurs universelles ? Dans une étrange défaite idéologique, la gauche a laissé le débat public se réduire à la question identitaire, à une injonction ethniciste, et a laissé instruire son procès en lèse-francité. […] La gauche assume notre roman national mais doit aussi proclamer que le génie français réside dans son identité mouvante, en évolution permanente. Certes, nous avons un sentiment d’appartenance lié à un héritage collectif, des lieux de mémoire, notre histoire, notre langue, nos symboles et nos rites.
Mais chaque citoyen, qu’il soit originaire du Pays basque ou du Pays dogon, portera toujours en lui une identité complémentaire, intime, l’odeur d’une cuisine, la sonorité d’une langue, le souvenir d’un paysage. Cette identité complémentaire ne menace pas mais enrichit l’identité partagée par tous. Que craignent les politiciens ? Les citoyens ne les attendent pas pour vibrer ensemble, ils se marient, se mêlent, produisent leur identité chaque jour. Contre le repli identitaire, la meilleure arme est ce partage identitaire. […] Libération

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