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Le candidat «insoumis» publie ce jeudi un livre d’entretien. A gauche, certains l’interpellent sur l’ambiguïté de son discours concernant l’accueil des étrangers.

Au sujet des migrants et des réfugiés, il répond : «Si on ne veut pas que les gens viennent, il vaut mieux qu’ils ne partent pas [de leurs pays, ndlr]. Et il faut cesser de croire que les gens partent par plaisir. Donc éteignons l’une après l’autre les causes de leur départ. Elles sont très simples, c’est la guerre et la misère.» Quelques lignes plus loin, il avoue être «fatigué» des discussions «où les fantasmes s’affrontent les uns avec les autres». D’un côté, «ceux qui hurlent sans réfléchir et s’en remettent à des expédients sécuritaires». De l’autre, «ceux pour qui il est normal que tout le monde puisse s’établir où il veut, quand il veut. Passeport, visas et frontières n’existeraient pas.»

Cet entre-deux lui vaut des critiques à gauche : ses anciens copains et nouveaux ennemis lui jettent des regards de travers depuis un petit moment. Personne ne doute du «fond de sa pensée». Comprendre : Mélenchon n’est ni raciste ni xénophobe. Mais ils l’accusent de courir derrière les électeurs du Front national. «Il n’est plus sur la ligne de Podemos ou de Syriza mais sur celle de Beppe Grillo [le populiste italien du Mouvement Cinq Etoiles, ndlr]. Quand Mélenchon dit : “Il faut sortir de tous les traités”, il va plus loin que le FN» , confiait à Libération, Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire socialiste, avant l’été et la polémique.

Le porte-parole des Verts, Julien Bayou, lui, ne retient pas ses coups : «Si le programme de Mélenchon, c’est “on ferme les frontières et on trie les réfugiés”, ça ne va pas le faire. Il est dans une course à l’échalote avec le FN. Mais le plus inquiétant dans cette histoire, c’est que Jean-Luc est intelligent, vertébré, et il sait que le FN gagne toujours à ce petit jeu.»

Le secrétaire national, Pierre Laurent, confirme à demi-mot. Un secrétaire départemental argumente : «Il dit tout cela pour des raisons stratégiques et électoralistes, pas par conviction. Il sait que ce sont des thèmes qui préoccupent les Français.» Frédéric Boccara, membre du conseil national du PCF, lui, ne mâche pas ses mots. Il tape fort : «Mélenchon tourne nationaliste. L’orientation qu’il a progressivement choisie, y compris à propos de l’euro, est de caresser les nationalistes dans le sens du poil. Avant son score de 12 % à la présidentielle, il n’avait pas son autonomie, ni la légitimité du suffrage universel. Maintenant, c’est le cas, donc il se permet de tenir de tels propos.»

Au fil des commentaires et des attaques en direction de Mélenchon une date refait surface : le 14 avril 2012. Flash-back. Le candidat du Front de gauche a le vent dans le dos. Différents sondages le créditent de 15 % à quelques jours du premier tour de la présidentielle. L’ancien socialiste se pointe sur la plage du Prado, à Marseille. Face à lui, près de 100 000 personnes. Le tribun se lance dans un discours qui file des frissons. Le natif de Tanger – dont les parents sont nés en Algérie et les grands-parents en Espagne -, arrivé en France par le port de Marseille à 11 ans, commence par une ode au Bassin méditerranéen. Il salue les «Arabes et Berbères» par qui sont venues en Europe «la science, les mathématiques ou la médecine», au temps où «l’obscurantisme jetait à terre l’esprit humain». Puis, il déclare que «les peuples du Maghreb sont nos frères et nos sœurs» et qu’il «n’y a pas d’avenir pour la France sans eux». Les youyous se mélangent aux applaudissements.

La semaine suivante, il réalise 11,11 % et étale ses regrets. Un socialiste, doué en mathématiques politiques, décrypte : «Les derniers jours, Mélenchon a été victime du vote utile et de son discours pro-immigration à Marseille qui a fait fuir des électeurs. Et il l’a très vite compris : c’est l’une des raisons de son nouveau positionnement.» Des arguments qui irritent Cécile Duflot. La candidate à la primaire a rompu (politiquement) en 2015 avec Mélenchon après la sortie de son livre, le Hareng de Bismarck, aux «accents parfois quasi “déroulédiens”» (2). Aujourd’hui, elle se dit «visionnaire» et explique : «Plus la gauche déporte le débat sur la droite, plus les autres se radicalisent. On ne doit pas lâcher le moindre centimètre, et peu importe les risques à prendre électoralement.»

 

Libération

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