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Désigné meilleur premier film du dernier Festival de Cannes, “Divines” de Houna Benyamia narre les tribulations de deux jeunes filles d’une cité française en quête d’argent facile. Un récit d’apprentissage vivifiant, détonnant, rafraîchissant, et sincère, malgré quelques travers (trop long, vulgaire, agaçant, etc.)

“Divines” sort donc sur les écrans français ce mercredi 31 août, précédé d’une réputation de “film de filles des banlieues mal élevées”. Il est un peu plus que cela. Certes, Dounia et Maimouna, les deux héroïnes, ne s’encombrent pas des règles de bienséance. Elles parlent fort et vite, insultent leurs profs, sèchent les cours et fument des joints. Mais nous ne sommes guère ici dans une approche strictement naturaliste qui voudrait nous décrire par le menu le difficile quotidien dans les quartiers des banlieues difficiles.

Le film renferme de belles idées de cinéma (puisque c’est de cela qu’il s’agit). “Divines” débute sur de petites vidéos – façon Snapchat – que les deux demoiselles filment via leur téléphone portable. Elles y montrent leurs petites conneries futiles avec ce sentiment d’être les metteurs en scène de leur propre vie. Miroir aux alouettes, bien entendu, puisqu’en dehors des réseaux sociaux, Dounia et Maimouna (Oulaya Amamra et Déborah Lukumuena) n’ont pas vraiment de prise sur leur existence.

La mère de la première mène une vie trop dissolue pour lui garantir des jours meilleurs, les parents de la seconde mènent une vie religieuse trop rangée pour lui garantir des jours heureux. Dans ce ghetto des cités qui voudrait les condamner à la misère et à l’ennui, le duo rêve d’autres choses. D’indépendance évidemment, de réussite surtout. Ce qui donne lieu à cette autre belle scène où les deux adolescentes s’imaginent traverser Miami au volant d’une voiture de luxe.

On l’aura compris, les deux “Divines” nourrissent des ambitions émancipatrices, davantage biberonnées au rap bling-bling qu’au mouvement féministe punk des Riot grrrl. Plus Booba que Patti Smith, donc. Leur modèle dans le quartier est Rebecca (Jisca Kalvanda), sorte de marraine locale du trafic d’herbe qui a réussi l’exploit de mettre les garçons au pas. En acceptant de dealer pour elle, Dounia et Maimouna, qui formaient alors un duo presque comique, entrent dans une autre sphère : celle de l’intimidation, de la violence et de la domination. Ce qu’elles pensent gagner en respectabilité, elles le perdent aussi en dignité.

Récit d’initiation, “Divines” ne se contente toutefois pas de narrer l’entrée en délinquance de deux fortes têtes. Pour Dounia, l’affirmation de soi passe également par l’apprentissage du désir qu’elle suivra au contact de Djigui (Kevin Mischel), jeune danseur écorché vif dont elle espionne les gracieuses séances d’entraînement. Parce qu’elle apprend à aimer et à s’aimer, Dounia découvre le pouvoir de séduction. Au risque de se voir trop vite en femme fatale.

D’aucuns, à l’instar de Slate, reprochent au film d’exalter la servitude volontaire que le hip-hop bling-bling porte aux nues à longueur de clips vidéos. C’est oublier que les cultures urbaines sont l’expression de générations de laissés-pour-compte qui ont valorisé au décuple les valeurs de la réussite sauvage pour mieux se les réapproprier. “Divines” n’est pas exempt de reproches, loin de là. Malgré (ou à cause de) sa sincérité, le récit de ces tribulations juvéniles n’échappent pas aux facilités, voire à la caricature, et à un épilogue par trop grandiloquent.

Dire que le film de Houda Benyamina porte en “triomphe l’esclavage désiré“, c’est lui offrir des intentions qu’il n’a pas. “Divines” n’a d’autres buts que de montrer (et démonter) un fantasme : celui qu’une jeunesse alimente, sûrement à tort, à l’égard du libéralisme triomphant dont elle a été trop souvent exclue.

France24

(Merci à C’)

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