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Pour Michel Wieviorka, sociologue, comme à la fin du XIXe, les divisions se multiplient dans la société. Les partisans d’une ligne sécuritaire et hostile à l’islam font face aux défenseurs des libertés, “considérant les musulmans comme antidote au terrorisme”.

Entre 1892 et 1894, la France a connu l’«épidémie anarchiste», une série d’attentats terroristes qui s’est achevée soudainement, dans le contexte de la structuration du mouvement ouvrier, et notamment de la création des premières Bourses du travail et du Congrès constitutif de la CGT en 1895. Les terroristes évoquaient l’injustice sociale. Mais si on a pu parler pour cette époque d’une «guerre des deux France», ce n’était pas en référence à la question sociale et aux luttes ouvrières, c’était pour d’autres enjeux. Car un conflit opposait les républicains laïcs et la droite chrétienne, aboutissant à la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat. Et d’autre part, dreyfusards et antidreyfusards s’affrontaient, les seconds généralement antisémites. […]

La France semble aujourd’hui incapable de construire les mouvements sociaux qui viendraient prendre la relève des luttes ouvrières d’hier. Et si, terroriste aidant, elle est en passe de se structurer autour de clivages qui pourraient conduire à une nouvelle guerre des deux France, c’est avec une particularité : les violences islamistes viennent nous rappeler l’existence de problèmes sociaux non résolus, comme hier, mais aussi et surtout amplifient les autres clivages […]

L’opinion se divise de plus en plus nettement. Les uns, en faveur de cette évolution, considèrent qu’un islam fort, structuré, mobilisé, actif et visible mais aussi pleinement reconnu par les autorités françaises est le meilleur antidote à l’islamisme radical. Ils peuvent être soutenus par des responsables politiques préconisant des mesures allant dans ce sens, à propos de la formation des imams par exemple. Et d’autres considèrent qu’il n’est pas possible de séparer entièrement islamisme et islam, que plus l’islam acquiert visibilité et fait preuve de dynamisme, plus il constitue un péril pour la France, ses valeurs nationales, laïques et républicaines, sa sécurité aussi. […]

Diverses initiatives ont montré que des musulmans agissent ou veulent agir pour marquer leur attachement au vivre-ensemble et aux valeurs républicaines, améliorer leur représentation, avancer avec le soutien de l’Eglise catholique. […]

Il n’y a, contrairement à certains discours alarmistes, aucun risque de guerre civile en France aujourd’hui : il y faudrait deux sous-ensembles susceptibles de se combattre durablement, avec chacun une masse critique. Il existe par contre des tensions et parfois des violences capables d’alimenter des débats, notamment autour de l’islam, dont on espère qu’ils se régleront comme la première guerre des deux France : du côté de la tolérance, de l’ouverture d’esprit, du respect de la loi et du droit.

Libération

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