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Editorial de Sylvain Courage, Rédacteur en chef à L’Obs, intitulé «Brexit : oui, le Royaume-Uni est mort ce matin» dans lequel il oppose les populations des centre-villes aux «Britanniques des campagnes craintives et des anciens bastions industriels désespérés».
Le Brexit n’est pas une victoire du souverainisme. Au contraire, il risque de précipiter la fin de la nation britannique.
“Britain first” – la Grande-Bretagne d’abord -, ne cessent de clamer les supporters du Brexit. En vérité, le renoncement à l’Union européenne acquise par référendum marque sans doute la fin d’une nation telle que les siècles l’ont façonnée.
Adieu le Royaume-Uni ! Les Ecossais qui ont voté à 62% pour l’Europe s’apprêtent à reprendre leur indépendance après cinq siècles de domination anglaise. Les Irlandais rêvent d’une réunification sous la loi de Bruxelles.

Et la glorieuse cité de Londres se réveille avec le sentiment d’avoir été trahie : les yuppies et les bobos de la capitale se demandent ce qu’ils ont encore de commun avec les Britanniques des campagnes craintives et des anciens bastions industriels désespérés.



La ville-monde raisonne comme le continent et s’exaspère du revirement de son Iago shakespearien : Boris Johnson, devenu par opportunisme le tribun d’un peuple sans repère.
Le Brexit est une victoire à la Pyrrhus. […] Les pères fondateurs de l’Europe avaient raison : les nations triomphantes des années 1815-1914 étaient bien mortes, putréfiées sur les charniers de la première puis de la deuxième guerre mondiale. Après soixante ans de convergence européenne, aussi maladroites furent-elle, ces idéologies foncièrement xénophobes n’ont aucune chance de ressusciter. A l’heure de l’humanité connectée, les individus se rattachent à d’autres communautés.

Un londonien partage plus de valeurs et de communauté de destin avec un parisien, un milanais, un berlinois ou un new-yorkais qu’avec un agriculteur du Devonshire. Un étudiant de Glasgow préfère rencontrer ses semblables de Séville, Athènes ou Copenhague…


C’est là, le véritable sens de la pensée de Churchill qui préférait le “grand large” au “Continent”. En optant pour le Brexit, la majorité des électeurs anglais ont détourné leur regard du vaste horizon. Leurs frontières renferment trop de rancœurs et de nostalgies.
Le Nouvel Obs

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