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Tribune de Xavier Crettiez et Jacques de Maillard, professeurs de sciences politiques à l’université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines et à Sciences Po – Saint-Germain-en-Laye, sur la violence des casseurs.

La violence peut être plus qu’un moyen d’action ; elle est aussi un mode d’affirmation identitaire, surtout lorsqu’elle se pare de vertus libératrices. Les activistes sont souvent masculins, jeunes et disposant d’une certaine disponibilité biographique que leur autorise une forme de marginalité économique.

Les récentes violences de rue n’ont rien de très nouveau. Dès les années 1960, une mouvance autonome, libertaire ou trotskiste, agissait dans les rues avec une fermeté qui ferait pâlir de jalousie les révoltés de 2015. Des décennies plus tard, les violences à l’encontre des forces de maintien de l’ordre étaient récurrentes et très fortes.

Cette violence est politique, et derrière le terme péjoratif de « casseur », transparaît bien la volonté de criminaliser une violence que l’on peut trouver moralement condamnable, mais qui ne relève nullement d’une simple logique de prédation. Elle prend sens à travers plusieurs lignes explicatives. […] Confrontée à la force de l’Etat et à l’iniquité d’un capitalisme jugé oppresseur et destructeur, la violence devient une arme normale et plus encore souhaitable. Pour reprendre une veine sartrienne, elle est doublement positive : elle tue l’oppresseur et transforme l’opprimé en libérateur. D’où le choix des cibles diverses, mais pas neutres. […] Au sentiment de désillusion peut s’ajouter un sentiment de non-reconnaissance sociale que la violence peut doublement combler. Elle permet aux désaffiliés de s’affirmer comme communauté politique soudée, et assure à celui qui la brandit une identité combattante valorisante, voire glorieuse. Cette double fonction communautaire et escapiste de l’usage de la violence est à ce titre perceptible dans la mise en scène des activistes type « black blocs ». La violence habille les corps et fonde les collectifs ; elle fait exister tout autant qu’elle prétend tuer. Il y a peu de chances qu’elle s’évanouisse…
Le Monde

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